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socialistes, qui étaient un des élémens indispensables de la majorité de M. Waldeck-Rousseau, ne l’ont pas permis ; le second est que M. Waldeck-Rousseau lui-même, légiste de la vieille école, catholique émancipé mais ayant conservé des tendances nettement gallicanes, répugnait à faire entrer le Pape dans une affaire extra-concordataire, qui lui paraissait ne relever que du pouvoir civil. En se plaçant à ce point de vue, M. Waldeck-Rousseau s’est privé d’un instrument d’action qui lui aurait permis de réaliser son dessein avec le moindre effort. Mais enfin, soit ! Il a évoqué toute l’affaire par devers lui : que fallait-il lui demander ? De l’y garder. La seconde faute qu’il a commise, et elle a engendré toutes les autres, a été de confier aux Chambres le droit d’accorder ou de refuser les autorisations, au lieu de le réserver au gouvernement. A partir de ce moment, tout a été compromis. Il était, en effet, facile de prévoir que les Chambres n’accorderaient pas les autorisations qu’on leur demanderait, et peut-être même ne pouvaient-elles pas le faire sans donner aux congrégations une sécurité et une force qu’elles n’avaient encore jamais eues. On n’a pas manqué, à la Chambre et au Sénat, de le faire sentir à M. Waldeck-Rousseau ; peine bien inutile, car il le sentait fort bien lui-même. Dans les propositions de loi qu’il avait présentées jadis sur la matière comme simple député et dans la première rédaction du projet qu’il avait déposé depuis comme ministre, les autorisations étaient accordées, refusées ou retirées par simple décret. Pourquoi M. Waldeck-Rousseau ne s’est-il pas tenu au principe qu’il avait posé ? Il ne saurait cette fois y avoir d’autre explication que sa faiblesse. Il a cédé aux injonctions des radicaux et des socialistes ; il s’est désarmé. Quelles qu’aient été ses intentions secrètes, — et nous ne les connaîtrons jamais exactement, — il s’est mis dans l’impossibilité de les exécuter. Le gouvernement, s’il était resté maître de son action, aurait pu la limiter au point où il aurait voulu, sauf à en répondre devant les Chambres, cela va sans dire ; mais il y avait des chances sérieuses pour que les Chambres acceptassent les faits accomplis. Au bleu de cela, on leur a confié à elles-mêmes, dans cette grave et délicate affaire, le rôle exécutif pour lequel elles ne sont point faites. La Chambre des députés, quand bien même elle n’aurait pas été animée de passions antireligieuses, aurait éprouvé un grand embarras, nous l’avouons, à autoriser telles ou telles congrégations. On l’avait mise dans une situation fausse. Elle en est sortie fort mal et par un acte de jacobinisme sectaire : mais pouvait-on s’attendre à ce qu’elle en sortît autrement ?