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passant par Frémin, Lemoine, Caffieri, Pajou, Pigalle, Clodion, David d’Angers, Pradier, Houdon et Rude. Tous furent des grands prix de Rome. Pareillement dans la peinture, Boucher, Fragonard, Vien, David, Girodet, Gérard, Ingres, Henri Regnault. Ces noms sont à citer entre tant d’autres, non seulement pour leur éclat, mais aussi pour la diversité des génies qu’ils représentent. Ne devient-il pas impossible de prétendre que Rome égalise l’inspiration et éteint l’originalité quand on considère qu’elle nourrit de son lait âpre et fort aussi bien la sensualité de Boucher que la grâce de Fragonard, la divine noblesse de Ingres que la fougue de Henri Regnault ? En musique, trouvera-t-on la marque d’une influence trop uniforme entre des maîtres aussi différens l’un de l’autre que Hérold, Berlioz, Gounod, Bizet et Halévy ? Et si l’architecture n’a pas donné de formule nouvelle avec les Lesueur, les Soufflot, les Duban, les Lefuel, la faute en étant moindre chez nous que dans tous les pays du monde, ne saurait être attribuée à notre Académie, mais à l’étrange et mystérieuse stérilité qui, depuis la Renaissance, paraît avoir si singulièrement tari l’invention humaine pour la construction des édifices sous des aspects de beauté.

C’est à dessein que, dans cette énumération si brève, nous n’avons donné que des noms d’artistes pensionnaires de l’Académie de France à Rome. Mais combien d’autres nous aurions pu citer, qui, n’ayant pas obtenu le premier Grand Prix, ont cependant travaillé pendant des années en vue de le conquérir ; l’ont manqué de bien peu, comme Barye, par exemple, deux fois lauréat des concours ; et qui, sans avoir joui de l’atmosphère directe de Rome, ont dû peut-être le meilleur d’eux-mêmes à l’attrait qu’elle exerçait sur leur cœur, aux efforts accomplis pour l’étreindre ! Et, sans exagération, ne pourrions-nous ajouter que, même parmi les indépendans, les réfractaires, fût-ce sous forme de révolte, de bravade, de défi, la hantise de cet asile d’élection, les échos qui leur en parvenaient, le désir qui souvent les entraînait là-bas, les poussait à rôder alentour par les sentiers de traverse, ont stimulé des vocations qui voulaient rester dans un isolement farouche, mais qui, secrètement n’en rêvaient pas moins de chefs-d’œuvre vainqueurs des siècles et du soleil se couchant au loin sur de sublimes horizons ?

Qu’est-ce que nos jeunes artistes vont aujourd’hui chercher à la Villa Médicis ? Quels sont les élémens de la forte empreinte