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Mais, paraît-il, l’Anglais n’ignore pas la marche de l’escadre française, dont le séjour à Porto-Rico lui a été récemment signalé. N’ayant plus à dissimuler sa présence, Château-Renault ne doit-il pas profiter de la mauvaise situation où se trouve son adversaire pour aller l’attaquer au Port-Royal ?

Quelque tentant que leur paraisse un tel projet, la plupart des capitaines le lui déconseillent néanmoins. En effet, les vaisseaux anglais étant certainement, au dire des pilotes, mouillés à faible distance des batteries extérieures, le vent, à l’aide duquel il serait possible de s’avancer vers eux, leur permettrait de regagner le port avant même qu’on eût pu les approcher. Ainsi, en cas d’un insuccès probable, on aurait, à ce changement de route, perdu un temps précieux et donné à Bembow une connaissance exacte de nos forces, dont il importait de lui cacher la récente diminution[1].

Assuré dès lors qu’aucun ennemi n’entravera sa navigation jusqu’à la Vera-Cruz, l’amiral crut le moment venu de confirmer son arrivée prochaine au général de la flotte espagnole : « Je pars en même temps que le vaisseau que je vous envoie, mande-t-il à don Manuel de Velasco, pour m’en aller à la Havane, où j’espère être informé particulièrement de votre flotte. Je compte n’y rester que très peu de temps et m’en aller moi-même la chercher à la Vera-Cruz, pour satisfaire aux ordres que vous avez du roi d’Espagne, de n’en partir que sous l’escorte de M. De Coëtlogon ou de moi ; » puis, pour marquer encore à don Manuel qu’il n’est point disposé à l’attendre indéfiniment, il ajoute : « Je dois dire à Votre Excellence que le peu de vivres que j’ai dans mes vaisseaux m’oblige à vous demander prompte diligence, parce que je ne suis pas en état par-là d’attendre longtemps. Ce serait une chose bien fâcheuse d’avoir manqué l’escorte de M. le marquis de Coëtlogon et ensuite la mienne[2]. »

Lannion, capitaine du Volontaire, à qui cette dépêche est confiée, emporte à son bord le commissaire général de Gastines. Tous deux auront pour devoir de rassembler des subsistances, de presser le chargement des galions et de traiter, s’il est nécessaire, avec une certaine énergie les autorités de la Vera-Cruz.

  1. Château-Renault à Pontchartrain, 24 avril 1702. — Archives de la Marine.
  2. 26 mars 1702. — Archives de la Marine.