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le roi de Prusse en exprima officiellement sa satisfaction. Il y retrouvait « cette sagesse et ces sentimens bienveilians pour la Prusse qu’il avait appris de longue date à apprécier chez l’Empereur, et qui lui permettaient de constater que le nouvel ordre de choses établi au centre de l’Europe n’était ni un péril ni un dommage pour la France. » Ces paroles confiantes n’étaient qu’un compliment. Le Roi et Bismarck n’oubliaient ni la demande de Mayence, ni la négociation belge toujours pendante : la circulaire leur parut une duplicité de plus. L’équivoque créée par une politique de demi-moyens, de convoitises transies, qui n’avait su être ni conquérante ni désintéressée, ne fut dissipée ni en France ni en Europe.


XIV

La révolution européenne de 1866 est maintenant terminée ; elle va produire insensiblement ses conséquences. M’arrêterai-je à rechercher, comme on dit, les responsabilités ? Je n’ai aucun goût pour ce genre de dissertation. J’ai exposé les faits aussi clairement et aussi impartialement que je l’ai pu. Au lecteur d’apprécier et de prononcer sur chacun. Une seule constatation me paraît indispensable à dégager : c’est qu’il n’y a aucun rapport fatal de dépendance entre la révolution opérée en Italie en 1859 et celle qui vient de se terminer en Allemagne. Pour l’Italie, asservie à des princes étrangers, la guerre avait fait passer un peuple du non-être à l’être, et l’Unité avait été le moyen et la garantie de l’indépendance. En Allemagne, la guerre n’avait pas créé une Unité déjà existante sous forme fédérative, elle avait seulement coupé une des deux têtes de cette Confédération. Elle n’avait pas non plus dégagé une indépendance déjà établie : elle en avait détruit plusieurs. Il y a, entre les principes engagés en Allemagne et en Italie les rapports des contraires aux contraires et non ceux d’une similitude. 1866 n’a point été l’œuvre et la consécration du principe des nationalités : sauf en Vénétie, c’en a été la défaite. Si les peuples du Hanovre, de Hesse, de Nassau, de Sleswig-Holstein, de Francfort eussent été consultés, ils auraient maintenu leur autonomie. C’est conquête et non nationalités qu’il faut inscrire au frontispice de l’œuvre prussienne.

La liberté n’est pas non plus responsable de l’événement. Il