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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 15.djvu/567

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prévoyance : le Prince pouvait être pris ou tué. Plus le péril était grand, plus il y a de gloire pour lui d’en être sorti par un fait d’armes si éclatant. Maintenant, il faut qu’il revienne. » Et cependant, il paraît qu’on vous laisse encore là-bas pour quelques semaines. Votre lettre, celle de Jamin, m’avaient donné l’espoir d’un prompt retour. Quand vous vous dites fatigué et que vous demandez du repos, il faut vous croire. Il semble cependant, d’après vos lettres de famille, et surtout d’après celle du gouverneur, que votre séjour se prolongerait encore, et on dit même que vous allez être compris de nouveau dans une expédition vers les Ouenseris. Le prochain courrier nous expliquera sans doute ce qu’il y a encore d’obscur dans ces nouvelles. Puisse-t-il nous apprendre qu’on vous délivre, enfin, de cette responsabilité morale qui pèse sur vous depuis neuf mois, et qu’on n’abuse pas de votre patience, comme on a déjà abusé de votre zèle, de votre énergie, et de votre courage[1]


Paris, 16 décembre 1843.

Je viens de recevoir la lettre du colonel Jamin qui m’apprend votre heureuse arrivée à Constantine[2]. Vous voilà à l’œuvre. C’est à vous de développer les germes d’amélioration que vos prédécesseurs ont dû laisser dans votre gouvernement, et de les créer, s’ils n’existent pas. La civilisation de cette province est entre vos mains ; vous y jouissez d’une indépendance que vous n’avez jamais eue ailleurs. Vous y êtes placé assez loin du centre pour être, à chaque instant, dans la nécessité de prendre sur vous, et l’initiative, une spontanéité prudente, mais résolue, doivent remplacer, dans vos déterminations et dans vos actes, cette subordination exacte et patiente dont vous avez, jusqu’à ce jour, donné l’exemple à ceux qui vous obéiront aujourd’hui. Ce n’est pas à moi, à la distance où je suis du théâtre de votre activité présente, de vous tracer la règle de conduite que vous devez suivre, et je ne suis pas en peine, je l’avoue à votre honneur, de celle que vous adopterez. Mais n’oubliez pas, je vous en prie, mon cher Prince, toute cette portion de votre destinée civile qui

  1. Le Duc d’Aumale est rentré en France à la fin de juin 1813.
  2. Chargé, au mois de septembre 1843, du commandement supérieur de la province de Constantine, le Duc d’Aumale y était arrivé à la fin de novembre et s’occupait sans relâche de l’organisation de la province, création de villages, de routes, organisation des tribus, etc.