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arrêtant l’injection à la quantité nécessaire pour que l’animal, au lieu de mourir sur le coup, succombe seulement à bref délai, on obtient ce que les mêmes auteurs ont appelé « l’équivalent toxique vrai. » On a pu dresser, grâce à des expériences de ce genre, un tableau des équivalens toxiques des divers élémens qui entrent dans la constitution des boissons alcooliques en usage, soit qu’il s’agisse de substances introduites à dessein, soit qu’il s’agisse des impuretés qu’une rectification incomplète laisse subsister dans ces liquides.

Il ressort, de l’examen de ces tableaux, des conséquences intéressantes au point de vue de la physiologie pure. C’est d’abord que l’équivalent toxique d’un même alcool a sensiblement la même valeur, quel que soit l’animal qui ait servi à l’expérience. Il faut noter ce résultat parce qu’il a sa signification lorsque l’on veut passer aux applications à l’homme. A moins de supposer que l’homme échappe aux lois qui régissent le reste de l’animalité, on est bien forcé d’admettre que, si l’expérience que tant de raisons interdisent d’exécuter sur lui était réalisée, elle donnerait encore le même résultat.

Il est très remarquable, en second lieu, que les équivalens toxiques soient très peu différens pour les boissons les plus diverses, lorsque celles-ci contiennent la même quantité d’alcool. Il semble que la toxicité de toutes les eaux-de-vie soit exactement la même. Qu’il s’agisse d’eaux-de-vie fines ou d’alcools grossiers, l’équivalent est numériquement très voisin. Le cognac jeune, l’armagnac vieux, le calvados de Normandie, le marc de Bourgogne, la prunelle, le kirsch, à égalité de degré alcoolique, ne diffèrent presque pas les uns des autres quant à leur puissance toxique. Ce résultat, bien qu’il heurte un préjugé très enraciné, est d’ailleurs conforme à des expériences plus anciennes. Il s’accorde avec l’observation de Stenberg, qui n’avait pu découvrir de différence dans l’action exercée chez le lapin par l’alcool employé pur ou additionné de 4 pour 100 d’alcool de pommes de terre. Chez le chien, d’après Strassmann, l’adjonction de 4 pour 100 de ce même composé amylique (c’est-à-dire de l’une des impuretés les plus grossières de l’eau-de-vie de pommes de terre) à l’alcool éthylique pur, accentue à peine les effets de ce dernier. Les observations d’un physiologiste berlinois bien connu, M. Zuntz, établissent de même que, chez l’homme, le mélange, à l’eau-de-vie, de 3 à 4 pour mille du même produit, ce qui suffit