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l’anglais à l’italien, si, par un compromis, nous pouvions dissiper le déplaisir causé à nos bons alliés les Italiens, nous retirerions cette proclamation, nous la retirerions sans discussion, confians dans l’avenir.


En effet, pour témoigner de ses bonnes dispositions à l’égard de ses « bons alliés » d’Italie, M. Chamberlain annonçait que les décisions relatives à l’emploi de l’italien dans les tribunaux étaient rapportées et que, en ce qui concerne l’enseignement dans les écoles, le maltais ne serait plus enseigné tout seul que pendant la première année, au lieu des deux premières. Ce recul indéniable de l’autoritaire ministre des Colonies, produisit, en Italie, la meilleure impression et amena, à Malte, une détente dans les esprits ; mais, outre qu’une partie des mesures dont se plaignaient les habitans restait en vigueur, les passions avaient été trop surexcitées pour pouvoir s’apaiser d’un seul coup. Au printemps de 1902, de nouveaux incidens, la démission des membres maltais du Conseil, la suspension des pouvoirs de ce Conseil pendant un mois, prolongèrent la querelle et continuèrent l’agitation. Les conseillers électifs de l’île refusèrent, à l’unanimité, de célébrer le couronnement d’Edouard VII et, dans la communication qu’ils adressèrent à ce sujet au gouverneur, ils déclarèrent qu’au lieu de se réjouir, ils avaient plutôt sujet de porter le deuil, à cause des procédés tyranniques de M. Chamberlain ; les notables décidèrent même, d’une seule voix, qu’ils s’abstiendraient d’assister au Te Deum que l’archevêque se proposait de faire chanter le jour du couronnement. Le Roi lui-même, lors de son récent passage, a été accueilli, par ce peuple si prompt à l’enthousiasme, avec une froideur significative.

Cette explosion du mécontentement de tout un peuple, cette mésintelligence qui révèle un dissentiment profond, ne serait cependant qu’un des plus minces incidens provoqués par la politique d’unification et de concentration impériale que poursuit M. Chamberlain, s’il avait eu pour théâtre quelque lointain archipel ; mais, au centre même de cette Méditerranée sonore, où les échos, d’île en île et de cap en cap, se répercutent si vite et s’enflent à mesure qu’ils se transmettent, ils ont eu, dans tous les ports où les Maltais sont très nombreux, un retentissement extraordinaire ; ils ont montré que l’Angleterre, si elle agit volontiers comme chez elle, dans la Méditerranée, est loin cependant d’y être chez elle ; elle n’a, avec les peuples qui en habitent