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baïonnette, courte, en forme de poignard[1]. L’uniforme colonial, — large chapeau de feutre, paletot et culotte de confection soignée, en toile solide, de couleur kaki et de bon teint, souliers lacés et hautes guêtres, — dont les soldats étaient pourvus, la taille élancée de la plupart d’entre eux, aidaient encore à leur donner cette allure dégagée, cette souplesse du corps à laquelle on reconnaît celui qui pratique les divers sports, et à faire ressortir les qualités d’esprit de décision, d’énergie et d’initiative que possédaient un grand nombre des hommes de ce contingent.

A la vérité, cette initiative, qualité précieuse surtout pour les troupes qui sont appelées à effectuer les petites opérations des guerres coloniales, les Américains la poussaient parfois jusqu’à l’excès, en agissant vis-à-vis des autres alliés avec une liberté, une indépendance d’allures, pour tout dire, peu compatibles en général avec les obligations de tout ordre qu’imposaient aux divers contingens leur collaboration à des actions de guerre concertées et effectuées en commun. Ainsi, pendant les marches, loin comme à proximité de l’ennemi, ou bien dans le calme du repos, au centre même des cantonnemens, il n’était point rare de voir des détachemens alliés mis en alerte par des coups de feu éclatant inopinément, au milieu d’eux. A la suite de plusieurs incidens de ce genre, on sut que, dans le plus grand nombre des cas, — car des détachemens de contingens plus tard venus au Pé-tchi-li, n’avaient rien à leur envier sous ce rapport, — il fallait en attribuer la cause à des patrouilles ou à des isolés du contingent américain. En effet, par manière de distraction, ou bien, quelquefois, en guise de signaux, ou bien encore dans l’ardeur de la chasse à laquelle, enragés Nemrods, ils se livraient comme en pleines pampas, tirant impitoyablement, à défaut d’ennemis, sur tous les chiens, porcs ou autres animaux qu’ils apercevaient, ceux-ci ne laissaient échapper aucune occasion de brûler leurs munitions, sans d’ailleurs enfreindre, en ces circonstances, les ordres de leurs chefs, car, en principe, — et c’est là un des traits caractéristiques des mœurs militaires américaines, — pendant cette campagne, les officiers, en dehors du service,

  1. Le règlement américain prévoit le cas où, par la suite de fortes chaleurs, par exemple, l’allégement du soldat en campagne peut être poussé jusqu’au port de la chemise sans le paletot. Les commandans de colonnes françaises, au Soudan et en Indo-Chine, en bien des circonstances, prescrivent cette tenue pour la troupe, et s’en trouvent bien.