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Il faudrait d’abord s’entendre sur la signification du mot aumône. Aujourd’hui, il est vrai, c’est une expression désobligeante. Elle a perdu le sens qu’elle avait autrefois. On entendait jadis par aumônes des largesses considérables que les lois de l’Église imposaient aux riches de prélever sur leur superflu pour subvenir à des fondations charitables ou à la construction de monumens pieux. Maintenant l’aumône semble réservée aux individus qui pratiquent la mendicité. Donc, question de quantité. Quand la largesse dépasse la valeur de quelques centimes, elle devient subvention, allocation, secours, cotisation, don, etc. Du caractère habituel d’exiguïté de l’aumône semble surtout découler le caractère humiliant qui, autant et plus que son origine chrétienne, la fait exclure du nouveau vocabulaire laïque et c’est pourquoi l’on se sert maintenant de cette expression comme d’une injure. Abandonnons donc, si l’on veut, ce mot dont la signification, comme celle de tant d’autres, a évolué avec le temps. Laissons même de côté celui de charité, qui offense au même titre les oreilles superbes de nos radicaux, mot d’un sens d’ailleurs admirable quand on sait le comprendre, alors que sur un tel principe s’édifie comme d’elle-même toute une loi de fraternité et d’amour entre les hommes, organisation complète et décisive de justice sociale. Pour employer une expression banale qui signifie beaucoup moins, — et telle est peut-être la cause de son succès, — disons que le membre honoraire fait simplement acte de bienfaisance.

La société de secours mutuels, objecte donc certaine école socialiste, doit constituer un contrat. Les avantages qu’elle offre ne sont que la satisfaction des droits que chacun acquiert par le versement de sa cotisation. Si le membre honoraire entend faire une libéralité, l’institution, telle qu’elle devient alors, n’est plus admissible, car ceux qui y exercent l’assistance ou la bienfaisance selon leur fantaisie y représentent l’autorité et l’inégalité. Le caractère de la mutualité proprement dite, sans l’adjonction de membres honoraires, est défini dans les lignes suivantes par M. Jules Désirée, député socialiste au parlement belge, quand il parle de « la mutualité, obligeant à un peu de prévoyance, manifestation effective d’affection pour la femme et les enfans, qui interviendra aux mauvais jours pour atténuer la maladie ou l’accident, conjuration de fléaux véritables, intervention dont la valeur morale est de ne dépendre d’aucune