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A côté du profit matériel, n’oublions pas les avantages moraux que retirent des sociétés de secours mutuels les membres participans. Amenés, dans leurs réunions, à discuter librement leurs intérêts et à s’occuper de questions d’administration un peu compliquées, ils ne peuvent que gagner à étendre ainsi leur expérience et leur pratique des affaires. Ils acquièrent de plus en plus, à un tel usage, des idées d’ordre, d’épargne et de prévoyance qui sont une garantie de sécurité pour la famille, de stabilité et de grandeur pour le pays. Chez l’individu pénètre l’idée de l’obligation contractée, du droit du prochain à respecter et du secours réciproque à fournir. Le travailleur sera moralisé par l’esprit de famille qui régnera dans la société de secours mutuels. La solidarité d’honneur et de bonne conduite qui en fait la base l’engagera personnellement et lui servira à l’occasion de règle et de frein. Il aura enfin l’amour-propre de ne jamais se présenter au bureau de bienfaisance.

A d’autres points de vue encore, la mutualité est salutaire. Aux favorisés de la fortune elle donne un moyen d’employer intelligemment leurs largesses, alors que celles-ci risquent de s’égarer quelquefois dans des œuvres discutables. On sait quel faible profit moral laissent après elles les distributions de bienfaisance. Si, au contraire, on ne secourt que celui qui fait personnellement un effort, et c’est le cas dans l’organisation mutualiste, le bénéficiaire associe au souvenir de l’aide obtenue l’idée du sacrifice que lui-même a accompli. Aider les gens, mais à la condition que ceux-ci prendront l’initiative de l’effort, ceci est plus fécond comme conséquences morales et matérielles qu’un don accordé en passant à un inconnu qui ne se souviendra bientôt plus ni du bienfait, ni du bienfaiteur.

On s’est efforcé d’étudier, dans ces derniers temps, de certain côté de l’opinion, tout le parti qu’il était loisible de tirer des œuvres mutualistes ; aussi semblent-elles maintenant, nous l’avons dit, la forme par excellence d’amélioration sociale préconisée par la morale laïque au nom de l’idée philosophique de solidarité. Nous verrons plus loin sous quelles couleurs la Ligue de l’Enseignement notamment présente à l’enfance française, sur les bancs de l’école, la pratique de la mutualité La destruction de l’idée religieuse étant effectuée, il importe pour le parti radical et libre penseur de remplacer la vieille morale chrétienne et les œuvres qui en découlent, par une nouvelle