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n’est négligé ; et l’on découvre des objets d’un détail charmant, des damasquineries et des laques, dans des endroits presque invisibles, dans les recoins les plus cachés.

Sur la dernière terrasse se trouve le temple proprement dit Des prêtres sont assis sur le parvis, se chauffent les mains à un brasero, ou écrivent avec un pinceau sur de larges bandes de papier. On nous permet d’entrer après nous avoir fait déchausser. Alors nous sommes saisis par la richesse inouïe du sanctuaire, par les étincellemens d’or qui viennent des colonnes, du plafond, des murs, dans la demi-obscurité du saint lieu. Les cloisons sont des panneaux de laque ou de bois sculpté d’une inestimable valeur ; les plafonds à caissons et à encorbellement sont tous semblables, représentent des chimères enroulées sur un fond vert sombre. Les montans sont en laque notre incrustée d’or. Ici le souci du détail est poussé à l’extrême. Les encoches qui permettent de tirer les panneaux sont en bronze damasquiné ; les têtes de clous ciselées, avec de l’émail, sont de vieux cloisonnés. Le temps a donné à toutes ces choses une demi-teinte douce et charmante. Les peintures se sont fondues, les bronzes ont pris une patine plus sombre, le rouge des colonnes s’est un peu terni, et seules ont conservé intact leur éclat, les inaltérables laques d’or qui brillent dans la pénombre comme autant de soleils.

Quand on a traversé l’édifice sacré, on s’engage sur un long escalier de granit, aux lourdes balustrades de pierre, qui s’élance seul dans la forêt et grimpe, sous les vieux arbres, les flancs ardus de la montagne. La montée est raide. Les temples ont disparu ; la forêt paraît encore plus triste et plus sombre en sortant de cet étincellement d’ors et de laques précieuses. Enfin on atteint une sorte de plate-forme ; on contourne un petit monument tout simple où un bonze est en prière devant un autel et on arrive au tombeau. Presque rien, ce tombeau : un balcon de pierre entourant une terrasse sans ornemens avec, au milieu, une tourelle basse que gardent deux chimères.

Et je trouve admirable la conception qui a voulu, après avoir entassé en bas tant d’or et de richesses, que la tombe du héros qu’on vénère soit une simple chose de granit et de bronze perdue très haut dans la forêt. Peu de visiteurs montent jusque-là. La plupart des fidèles s’arrêtent aux parvis du sanctuaire. Il règne une obscurité triste, un grand calme que viennent seuls troubler