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partie des frais causés par les décors, les costumes, la machinerie et l’entretien du théâtre. Toute préoccupation de bénéfice est écartée, et les dépenses de premier établissement, — construction de la scène, de l’orchestre et des galeries, — sont considérées comme un don par celui qui en assuma généreusement la charge. Les acteurs, je l’ai dit, ne sont pas rémunérés. Peut-être serait-il juste, lorsque les circonstances le permettront, de leur attribuer sur la recette une indemnité légère, car le plaisir qu’ils prennent ne saurait compenser toujours le travail que l’on réclame d’eux ; on établirait ainsi entre eux une association propre à les attacher plus étroitement à cette œuvre ; mais en veillant bien à ne pas transformer en une entreprise commerciale un théâtre dont le caractère essentiel est d’être un divertissement.

La représentation payante est consacrée à une œuvre nouvelle. Cette œuvre est reprise l’année suivante et donnée, au moins une fois, en représentation gratuite ; ainsi tous ceux qui n’auraient pu débourser le prix, même modeste, d’une place à la première, voient pour rien la pièce, dont de plus fortunés qu’eux auront payé la nouveauté.

Il résulte de ceci que la composition du public n’est pas tout à fait la même à ces deux sortes de spectacles : aux représentations gratuites, il est plus populaire, c’est-à-dire que les paysans et les ouvriers y sont plus nombreux. Les représentations payantes attirent des spectateurs auxquels leur situation sociale assure une éducation et des goûts plus affinés. Toutefois, ces deux sortes de spectateurs diffèrent moins l’une de l’autre qu’on ne pourrait croire : le prix des places, aux premières représentations, est assez modique pour qu’un grand nombre de villageois, de Bussang ou des environs, impatiens de connaître l’œuvre nouvelle, n’hésite pas à se procurer ce plaisir. D’autre part, aux représentations gratuites assistent beaucoup de spectateurs bourgeois, qui ont été empêchés d’assister à la première ou que la curiosité d’une seconde représentation ramène au théâtre ; et l’on y trouve toujours aussi un groupe important de touristes, d’étrangers et d’artistes, mêlés au public populaire.

Ainsi, à l’un et à l’autre de ces spectacles, le peuple, — au sens où nous avons entendu ce mot, — est présent ; et, selon le vœu de l’auteur, l’œuvre dramatique trouve toujours un certain nombre d’auditeurs assez éclairés pour contrôler et corriger au besoin le jugement ingénu du public populaire, et pour opposer