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paraissent en contradiction avec les assurances données par le gouvernement au cours de la discussion de la loi sur les congrégations. Il est à prévoir que l’occasion s’offrira à lui d’aborder de nouveau ce sujet avec moi. » Et M. Nisard demande des instructions sur ce qu’il devra dire. La réponse ne se fait pas (attendre ; elle porte la date du 4 février 1902. « Le Conseil des ministres, écrit M. Delcassé, a décidé que la loi du 1er juillet 1901 ne devait pas avoir d’effet rétroactif et ne s’appliquait pas aux établissemens scolaires ouverts en vertu de la loi de 1886. Les conclusions du Conseil d’État visées dans votre dépêche du 29 janvier ne les touchent donc pas. C’est un point qui préoccupait vivement le nonce. Monseigneur Lorenzelli a paru très satisfait de la décision du Conseil, que je lui ai immédiatement fait connaître. »

Nous n’examinerons pas si le mot de « décision, » employé ici pour désigner une interprétation de la loi faite par le Conseil des ministres, est correct au point de vue de la langue politique, ni s’il convenait de donner à la communication qui a été faite au Saint-Siège la forme d’un engagement diplomatique. Mais enfin le fait est là, et il est formel. Quelles n’ont pas été la surprise et la douleur éprouvées à Rome lorsque, M. Combes ayant succédé à M. Waldeck-Rousseau, les établissemens scolaires ouverts en vertu de la loi de 1886 et avant la loi de 1901 ont été fermés aussi impitoyablement que les autres ! Le massacre d’écoles auquel s’est livré M. Combes en arrivant au pouvoir n’a rien épargné. Le nonce a demandé des explications à M. Delcassé, qui en a demandé lui-même à M. le président du Conseil. Il faut voir de quelle encre ce dernier a répondu ! M. Combes ne connaît que la loi. L’interprétation restrictive donnée à l’avis du Conseil d’État, il s’en moque. La « décision » du Conseil des ministres, il refuse de s’y arrêter. Il va droit son chemin, écrasant tout sous ses pieds. Lui parle-t-on des congrégations qui n’ont pas fait de demandes pour leurs établissemens parce qu’on leur avait dit que c’était inutile : « Si certaines d’entre elles, écrit-il, se sont laissé guider par des conseillers intéressés à créer autour de cette loi (celle du 1er juillet 1901) une agitation politique, elles doivent en subir les conséquences. » En vain lui dit-on que c’est le Conseil des ministres qui, par sa « décision » communiquée au nonce apostolique, a induit les congrégations en erreur, et que, des lors, c’est M. Waldeck-Rousseau, c’est M. Delcassé qui se trouvent être les conseillers intéressés à créer une agitation politique contre la loi, M. Combes ne recule pas devant ces énormités. Et il termine sa lettre par des récriminations