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d’Allemagne. Lorsque Rome eut condamné le livre de Febronius, il y eut douze évêques pour qui la sentence romaine fut non avenue ; et parmi leurs collègues, plusieurs et non des moindres, tout en prohibant la circulation de l’ouvrage, persistèrent à l’adopter comme bréviaire de gouvernement. Les trois archevêques-électeurs de Mayence, de Cologne et de Trêves se concertèrent en 1769, au lendemain de l’avènement de Clément XIV, pour énumérer en trente articles leurs griefs contre la Curie : le projet de rédaction qu’ils soumirent à Joseph II n’était rien plus qu’une réédition des maximes fébroniennes. L’université de Bonn, fondée par l’archevêque de Cologne en 1774, était comme un sanctuaire du fébronianisme ; et le canoniste Philippe Hedderich, chargé d’y professer, en était le docteur. Lorsque le congrès d’Erns, en 1785, codifia les protestations des souverains ecclésiastiques contre l’établissement d’une nonciature à Munich, c’est dans Febronius qu’on ramassa les textes susceptibles de gêner le Saint-Siège ; et tout le long de la « rue des prêtres » — ainsi l’on appelait le Rhin — les bureaucraties d’Eglise brandissaient le volume de Febronius pour intimider et faire reculer le jeune Pacca, expédié par Pie VI comme nonce à Cologne.


II

L’antipathie des électeurs ecclésiastiques contre les représentai de la Papauté n’était pas nouvelle : dès le XIVe siècle, le nonce Bonomi la constatait, au moins à Cologne et à Mayence ; et, en 1764, un chanoine d’Augsbourg, s’entretenant avec le nonce Garampi, lui parlait en propres termes de l’excitation qui existait en Allemagne contre le Saint-Siège et de l’aveuglement de l’épiscopat. Pie VI ne cacha point à Pacca l’âpreté du poste qu’il lui destinait : « Je vous envoie au combat, lui déclara-t-il ; car on fait, là-bas, une guerre acharnée à la juridiction des nonces. » Pacca se pourvut d’argumens, recruta des publicistes pour réfuter les archevêques, et ses neuf années de nonciature furent neuf années de guerre.

Dans cette lutte, les électeurs ecclésiastiques avaient pour eux l’encourageante faveur de Joseph II, l’amitié des princes laïques, l’appui des « illuminés » et de tous ceux qui se piquaient d’un certain libertinage de pensée, la sympathie, enfin, de la confession évangélique, qui voyait le catholicisme rhénan se