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la chartreuse du Mont des Anges, Mayence répétait en un distique vengeur : « Un nouvel Achab a enlevé à Naboth le Mont des Anges (Angelicus) afin de faire un jardin anglais (Anglicus) pour la honteuse Jézabel. » Ainsi parlait-on, parmi les ouailles de l’archevêque ; mais la cour de beaux esprits, de libertins et de valets dont il s’entourait, faisait barrière entre d’Erthal et son troupeau. Le cortège de 1 500 personnes qui l’escortait à Francfort pour les fêtes du couronnement impérial lui cachait les besoins et les susceptibilités de son diocèse.

Comment le Saint-Siège n’eût-il pas semblé indiscret, lorsqu’il souhaitait des électeurs ecclésiastiques, comme de tous les autres évêques, un rapport périodique sur l’état de leurs chrétientés ? Les électeurs de Cologne étaient célèbres, à Rome, pour se dispenser de cette formalité ; et lorsqu’en 1829 Spiegel, archevêque de cette ville, prendra la peine d’expédier à la congrégation du Concile une relation sur son église, le consulteur de la congrégation écrira, en marge du document, cette note singulièrement significative : « Le prélat Spiegel mérite une louange particulière parce qu’il a enfin rompu le long silence des archevêques princes-électeurs, qui, oublieux de leur serment, négligeaient de témoigner par cet acte leur soumission au Saint-Siège. » Le contrôle des chanoines, ces conseillers naturels de l’autorité épiscopale, était aussi précaire que celui du Saint-Siège : « Issus des plus anciennes et des plus illustres familles, écrit Pacca, ces chanoines cumulaient les canonicats, quelquefois jusqu’à cinq dans des villes différentes, et ils étaient sans cesse par voies et par chemins, pour arriver dans chaque église au jour et à l’heure où l’on distribuait à ceux qui étaient présens la majeure partie des revenus des prébendes. » Quant aux professeurs des facultés de théologie, que l’on vit en Allemagne, à d’autres époques, surveiller ou contre-balancer ce qu’ils appelaient, ce que parfois encore ils appellent l’ « ultramontanisme » des évêques, ils étayaient de leur science et secondaient de leur éloquence les doctrines antiromaines des électeurs ecclésiastiques ; et d’aucuns même, plus soucieux d’échanger des sourires avec leur siècle que d’enseigner un surnaturel importun, mettaient à mal le dogme chrétien tout entier : tels, à Mayence, Blau et Dorsch, qui consacraient leurs écrits et leurs leçons à dénoncer les usurpations commises par l’Eglise ; tel, à Bonn, le Carme Thaddée de Saint-Adam, qui lacérait la Bible ; tel enfin,