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Les environs sont laids et plats, mais propices à l’exercice du cheval et au fox hunting. Il y a un grand cercle parfaitement aménagé et un Country-Club élégant où, sur des pelouses vertes, on joue au lawn-tennis devant une assemblée de femmes habillées la plupart chez Worth ou chez Doucet. Cela jette une note inattendue dans cette vieille Chine où se commettent des crimes sauvages et où fermentent, à l’heure actuelle, des passions barbares et préhistoriques.

Dans un autre ordre d’idées, l’observatoire de Si-Ka-Wé, que les jésuites ont fondé non loin de Shanghaï, est un établissement scientifique du plus haut intérêt. Une partie des Pères s’y adonnent aux observations météorologiques et particulièrement à la prévision des typhons, si indispensable aux navigateurs. Mais d’autres se sont consacrés à des études diverses, avec l’intelligence et l’esprit de suite si fréquens dans leur ordre. La connaissance de la langue, de la littérature et de l’histoire chinoises y fait chaque jour de nouveaux progrès. On s’y occupe de zoologie, de minéralogie, de botanique ; on y réunit les matériaux de collections importantes. Enfin, j’ai vu un travail sur l’hydrographie du Yang-Tsé, exécuté depuis peu, au prix de mille difficultés, et qui est destiné à rendre les plus grands services au commerce européen, à mesure qu’il pénétrera davantage dans l’intérieur de la Chine. J’ai tenu à dire ces choses à une heure où la mode est de déblatérer contre les missionnaires et où des gens qui n’ont jamais rien fait pour leur pays, jamais risqué un son de leur poche ou un cheveu de leur tête, déversent l’injure sur des hommes qui ont accompli et accomplissent chaque jour tant d’œuvres profitables à la cause de la France et de la civilisation.

Au reste, notre vie à Shanghaï fut semblable à celle des peuples heureux, qui, — comme chacun sait, — n’ont point d’histoire. Elle consista en dîners, en promenades à cheval, en garden-parties. Narrée, elle ressemblerait à un entrefilet détaché des « Mondanités » du Figaro.


TONKIN

18 juin. — Hier, au petit jour, nous avons franchi le détroit d’Haïnan. C’est un passage curieux et parfois difficile où la mer, entraînée par un fort courant, brise sur des hauts-fonds, se heurte avec violence contre la grosse houle du large. C’est étrange