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politique se mêle à tout, on en est resté, sur ce pays, aux racontars des journaux hostiles au cabinet Ferry, lors de la conquête du Tonkin. Toutes les absurdités qui ont été, à ce moment, débitées dans la presse sont demeurées des articles de foi. L’lndo-Chine est une contrée pestilentielle, fiévreuse, mortelle ; c’est entendu ! Mais qu’est-ce que l’Indo-Chine ? On ne s’en doute pas. Les gens très documentés savent vaguement que cela comprend le Tonkin et la Cochinchine. Quelques-uns soupçonnent l’existence de l’Annam et du Cambodge. Personne ne connaît le Laos. Toutes ces provinces, naturellement, on les dote du même climat, et on les croit très voisines, à peu près comme les départemens de Seine-et-Oise et de Seine-et-Marne. Si vous devez passer par Saigon, personne n’hésitera à vous donner une commission pour Hanoï. Or, il faut presque autant de temps pour se rendre de l’une à l’autre de ces villes que pour aller de Bordeaux à Dakar. Pense-t-on cependant que les climats de la Gironde et du Sénégal soient identiques ? En réalité, les conditions d’existence sont absolument différentes en Cochinchine et au Tonkin. J’ai vu à Hanoï et à Haïphong des gens qui, après dix ans consécutifs de séjour, se portaient à merveille. En Annam, la chaleur est plus fatigante, mais presque toute la côte est saine. Les seuls endroits vraiment fiévreux sont les forêts de l’intérieur. Qu’on cesse donc en France de répandre des légendes grotesques sur nos colonies. Qu’on apprenne à les connaître, et on s’apercevra qu’y aller ou s’y établir ne correspond point à un arrêt de mort.

On se rend de Haïphong à Hanoï par le fleuve Rouge, dans les bateaux propres et assez bien aménagés des Messageries Fluviales. Le pays qu’on traverse est fort plat, très cultivé et très vert, uniformément couvert de rizières et semé de bouquets d’aréquiers où des villages sont cachés.

Je n’ai pas l’intention de tenter ici une étude économique du Tonkin, ni de faire ressortir l’avenir, très grand selon moi, de cette province. Qu’il me suffise de dire qu’Hanoï est une cité florissante, aux rues larges et droites, éclairées, comme de juste, à la lumière électrique. On a ménagé, au centre du quartier européen, remplacement d’un petit lac, entouré d’arbres, qui rappelle un peu celui de Kandy.

Si l’on songe que cette ville, avec son élégance et son confort, est sortie de terre en quelques années, sans aide de la métropole, on reconnaîtra peut-être combien est exagérée la