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la mission de Saint-Vincent-de-Paul, — les Prêtres missionnaires de la Congrégation de Saint-Joseph à Lyon, — les Clercs de la Mission ; — d’autres encore, comme, en 1642, les Eudistes. Et, tout en voulant se discerner du clergé ordinaire par une supériorité morale, dont parfois on leur reprochait l’orgueil méprisant[1], la plupart de ces congrégations ne veulent point s’en séparer au regard de la hiérarchie. Elles déclarent « faire partie du corps du clergé séculier. » Leur tactique est visible : — s’adjoindre à ce clergé pour le stimuler et le supplanter au besoin.

Toutefois, bien des obstacles s’opposaient à cette infusion dans l’Eglise française d’une activité nouvelle, et stérilisaient les efforts des congrégations. Leur établissement, d’abord, dépendait des goûts, variables selon les lieux, et souvent, sans doute, capricieux et superficiels, des populations. Ici, c’étaient les Jésuites, là les Oratoriens dont, sans raisons visibles, on s’engouait. Ici, c’était la Visitation, là, le Carmel que réclamait ou repoussait, avec une chaleur également inexplicable, la bourgeoisie dévote. De ces préférences, l’effet le plus clair était de faire naître entre ces ordres des jalousies qui les brouillaient. Et, dans cette répartition fortuite, ce succès inégal et ces concurrences, l’action qu’ils exerçaient ne pouvait pas avoir cette universalité, cette cohérence et cette suite qu’eût exigées l’accomplissement de la contre-réformation.

Le succès des congrégations était lié aussi à des conditions financières. Les fortunes de tant de colonies monastiques, semées en trente ans par un zèle plus hâtif que circonspect sur un pays appauvri, n’étaient pas encore constituées. Beaucoup d’entre elles ne pouvaient se passer du concours des municipalités. Et, quoique les ordres mendians fussent à plusieurs égards les plus utiles (pour le soin des malades pendant les épidémies alors si fréquentes), c’étaient ceux que les villes attiraient le moins et dont elles se lassaient le plus vite à cause de la charge qu’ils leur imposaient.

Mais le grand écueil des congrégations était la cohabitation avec le clergé séculier, curés, chanoines, évêques. Le bon accord dépendait des deux parties. Or, — pour ne parler ici que des rapports des évêques avec les religieux, — s’il est vrai que

  1. Voyez les livres de l’évêque Camus indiqués plus loin.