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lesdits oiseaux et aussi tout ce qu’ils savoient dire, comme : Larron ! Paillart ! Fils de p… ! Va hors ! va ! Perrelle, donne-moi à boire… Et, depuis encore, par autre commission du roy, fut venu quérir et prendre audit lieu de Paris tous les cerfz, biches et grues qu’on y peust trouver et tout fait mener à Amboise. » Que signifie cette espèce de razzia ? On était au lendemain de l’affaire de Péronne, et tous nos historiens, depuis Duclos jusqu’à M. G. Monod, n’ont pas manqué d’y voir un accès de colère et de tyrannie du roi. « Il rentra tristement dans sa capitale, écrit gravement M. G. Monod, pendant que les perroquets des bourgeois parisiens répétaient sur son passage le mot de Péronne. Le roi furieux fit saisir par ses archers tous les oiseaux jaseurs qui lui rappelaient sa mésaventure. » Et voilà justement comme on écrit l’histoire ! Premièrement, — aucun chroniqueur n’a parlé de « perroquets, » mais de pies et de geais ; pivas et graculos, dit un texte latin. Secondement, — les oiseaux ne disaient pas du tout Péronne, mais Perrette ! Troisièmement, — il ne parait pas, ou du moins aucun témoignage ne rapporte qu’ils l’aient dit « sur le passage du roi. » Quatrièmement, — s’ils l’avaient dit sur « le passage du roi, » — que je ne pense pas qu’ils reconnussent d’eux-mêmes, et sans que quelqu’un le leur indiquât, — ce n’est pas eux que le roi eût « fait saisir, » mais les bourgeois parisiens, leurs maîtres. Et, cinquièmement, — ce n’est point enfin « par ses archers, » hic et nunc, que Louis XI les fit saisir, mais en vertu de « commissions » régulièrement délivrées, l’une à Henry Perdriel et l’autre à Merlin de Cordebeuf. Mais M. G. Monod, qui a le sentiment des embellissemens que comporte l’histoire, n’en écrit pas moins : « Il rentra tristement dans sa capitale pendant que les perroquets des bourgeois parisiens répétaient sur son passage le mot de Péronne. Le roi furieux fit saisir par ses archers tous les oiseaux jaseurs qui lui rappelaient sa mésaventure. » Et les « cerfz, biches et grues, » mon cher confrère, est-ce qu’ils disaient aussi le mot de Péronne ? La vérité, selon Brachet, est plus simple. Il ne faut voir, si nous l’en croyons, dans cette saisie à main armée, « qu’une manifestation très nette de l’un des stigmates classiques des dégénérés : la zoophilie. » Il ajoute et il montre, par des textes précis, que 1° l’extravagance des achats, 2° l’indifférence de l’acheteur, 3° la sensibilité hyperémotive pour les animaux malades, faisant les traits essentiels de la « zoophilie, » tous ces traits se retrouvent dans l’histoire pathologique de Louis XI. C’est ainsi que l’on lit, dans les Comptes de Tours : « Janvier 1483. Item, au dit moys le Roy manda que on allât toute nuyt par tous les chemins et sur la rivière de Loire au davant de