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celle de l’artillerie absorbent plus de 37 pour 100 du déplacement total. C’est excessif ; et il n’y a plus lieu de s’étonner, dès lors, que la part des appareils moteurs, réduite à un peu plus de 10 pour 100, ne permette pas d’attendre de la République, de la Démocratie, de la Justice, une vitesse supérieure à 18 nœuds, vitesse à peine égale à celle des cuirassés étrangers d’aujourd’hui et inférieure à celle des cuirassés étrangers de demain.

Quant à l’artillerie, si les 11 pour 100 du déplacement qui lui reviennent paraissent suffisans, il faut bien reconnaître que l’utilisation proposée de ces 1600 tonnes ne témoignait pas chez les auteurs des plans[1] d’une rare prévoyance, ou, tout au moins, d’une grande confiance dans les progrès de l’artillerie. En définitive, pour ces grands cuirassés, destinés à représenter en 1906-1907, le maximum de puissance offensive individuelle de l’unité de combat française, on en restait aux 305 millimètres, à tir relativement lent et aux 164mm, 7, à tir rapide, il est vrai, mais à la puissance balistique insuffisante[2], alors qu’en Italie déjà et, peu après, chez beaucoup d’autres nations maritimes, on substituait aux canons moyens à tir rapide des bouches à feu rentrant dans la catégorie des gros calibres (203-210 millimètres), que l’on dotait d’ingénieux systèmes de chargement rapide[3].

Une décision récente du ministre de la Marine, décision à laquelle il faudrait applaudir sans réserve s’il n’y avait de graves inconvéniens à remanier sans cesse des plans arrêtés depuis longtemps, modifie heureusement la composition de l’artillerie secondaire de quatre sur six des bâtimens en question, en remplaçant les 18 canons de 164,7 par 10 canons de 194 et 8 canons de 100. Peut-être aurait-il mieux valu, du reste, 12 ou 14 canons de 194, sauf à faire monter d’un échelon le calibre de l’artillerie

  1. L’auteur du plan primitif ne saurait, en bonne justice, être rendu responsable des modifications, retouches, soustractions et additions que ce plan subit de la part des trop nombreux organismes du ministère. En ce qui touche l’artillerie, surtout, l’ingénieur a beaucoup à faire pour défendre son œuvre.
  2. Cette puissance balistique a été augmentée dans ces derniers temps (modèle 1902) ; mais le poids, les dimensions, la capacité intérieure et la charge explosive du projectile du 164, 7 ne permettent pas à cette bouche à feu de supporter la comparaison avec les calibres voisins de 200 millimètres.
  3. On entend couramment parler de 3 coups à la minute pour le 203. A supposer que l’on veuille dire que, dans la première minute du tir, — la bouche à feu étant déjà chargée, — on puisse faire partir 8 coups, la rapidité réelle n’en serait pas moins de 2 coups par minute, et il semble douteux que notre 194 millimètres y parvienne, avec les organes actuellement employés pour le chargement et pour le débit des monte-charges.