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des marins. « Puisque tu as créé cette fournaise, dit l’un d’eux, qu’avais-tu donc besoin, ô Allah, de créer l’enfer ! » Le climat, qui jadis avait fort éprouvé les Portugais, était plus fatal encore au tempérament anglo-saxon. Bientôt il parut démontré qu’à moins de précautions exceptionnelles, officiers et soldats anglais ne pouvaient y passer les étés sans succomber à la folie ou à la mort. Force fut donc de mettre un terme à une occupation aussi onéreuse aux finances de l’Inde que funeste à ses contingens de troupes. Successivement les îles de Kharag, Kischm, Kaïs, Hend-jam durent être évacuées.

En 1856, Seyd-Saïd mourut, et cet événement fournit au gouvernement britannique une occasion nouvelle de resserrer les liens qui réunissaient à la Grande-Bretagne l’Etat d’Oman. Cet État, qu’avait fait si puissant Seyd-Saïd, devint, à la mort de ce prince, le théâtre d’une guerre civile provoquée par les prétentions de ses trois fils. Au cours de ces luttes intestines, l’un de ces derniers ayant été massacré, les deux survivans, nommés Thowéini et Madjid, convinrent de prendre d’un commun accord le gouvernement britannique comme arbitre et médiateur, et ce fut lord Canning, vice-roi des Indes, qui régla définitivement en 1861 la délicate question de la succession de l’Oman. Il attribua Mascate et toute l’Arabie avec la partie de la côte persane dépendant de l’Oman à Thowéini, et Zanzibar avec l’Afrique à Madjid. Ce dernier était tenu, en outre, de payer à son frère un tribut annuel de 20 000 couronnes, sous la garantie de l’Angleterre. Ainsi, par cet arbitrage et cette garantie pécuniaire, le gouvernement britannique ajouta aux relations d’amitié et d’alliance existant déjà une sorte de tutelle officieuse sur les deux États d’Oman et de Zanzibar. Il est vrai que le gouvernement de Napoléon III, redoutant de voir ces deux États tomber complètement sous la domination anglaise, et fort avisé en la circonstance, négocia avec le Foreign-Office en vue de définir la situation respective de la France et de l’Angleterre vis-à-vis des deux nouveaux États nés du partage de l’Oman. Ces négociations menées à Paris par M. Thouvenel, alors ministre des Affaires étrangères, et à Londres par lord Cowley, aboutirent le 20 mars 1862 à la conclusion d’un accord par lequel les deux gouverne mens s’engageaient à respecter l’indépendance du sultanat de Mascate et du sultanat de Zanzibar. La signature de cette convention a été considérée comme un réel succès pour la diplomatie impériale. En effet,