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de payer le tribut annuel de 20 000 couronnes qu’il était tenu de verser au sultan de Mascate, sir Bartle Frère consentit à mettre cette subvention à la charge de l’Angleterre. Plus tard, le subside annuel fut porté à 40 000 couronnes, sous la condition que le sultan de Mascate remplirait fidèlement les engagemens pris par traité et qu’il continuerait à observer une attitude amicale envers le gouvernement anglais. Comme preuve de cette bonne disposition, le sultan s’est engagé, en 1891, à n’aliéner à aucune puissance étrangère, sans la permission de l’Angleterre, une parcelle quelconque de son territoire. Ce traité, qui est resté secret jusqu’aux derniers incidens que nous allons avoir à relater, complète en quelque sorte la subordination du sultan de Mascate au gouvernement de l’Inde.

Aujourd’hui, le vrai maître de Mascate est l’agent politique anglais. C’est lui qui sert au sultan le montant de sa subvention, et ce dernier doit éviter de provoquer tout prétexte de mécontentement dont pourraient avoir à souffrir ses intérêts. Le consul britannique veille aussi à l’observation des traités antérieurs et intervient dans les démêlés qui peuvent surgir entre le sultan et ses sujets. C’est ainsi qu’en 1895, une insurrection ayant éclaté à Mascate, le sultan fut réinstallé par le consul, qui fit appel à la coopération des forces anglo-indiennes. Sous l’autorité que s’arroge le représentant de l’Angleterre, ce qu’on est convenu d’appeler la souveraineté interne du sultan devient de jour en jour plus restreinte. A Mascate, la poste est gardée par des soldats indiens et les timbres employés sont exclusivement britanniques. Il y a quelques mois, le major Fargeas, résident britannique, a révoqué de sa propre autorité un arrêté du sultan ordonnant l’uniformité des poids pour les balles de riz importées à Mascate et diminué des deux tiers la taxe créée par ce souverain sur les concessionnaires indiens des pêcheries de Guador, l’enclave littorale de Mascate sur la côte du Béloutchistan. Les Anglais se considèrent comme chez eux dans l’Oman, et l’on comprend que lord Curzon, aujourd’hui vice-roi des Indes, ayant voulu définir la situation du sultan de Mascate, ait pu écrire jadis comme publiciste : « Oman peut être à juste titre considéré comme une dépendance anglaise. Nous pensionnons son sultan. Nous lui dictons sa politique. Nous ne tolérerions aucune ingérence étrangère. Je ne doute guère moi-même que le jour viendra où, comme ces petits États s’écroulent devant les