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« Depuis une quinzaine d’années, les mandarins intelligens, spécialement le vice-roi Li-Hung-Tchang, ont essayé de former des troupes sur le modèle européen et y ont, en partie, réussi ; bien armées, sévèrement disciplinées, proprement tenues, habitant des camps retranchés ou des forteresses, ces troupes ont fait plusieurs fois l’admiration des officiers européens qui les voyaient manœuvrer. Près de cent mille hommes ont été ainsi exercés et auraient représenté une force réelle, car la bravoure ne leur manque pas, s’ils avaient été commandés par des officiers instruits et que l’intendance eût fonctionné régulièrement. » Gordon avait, de son côté, exprimé une opinion semblable au sujet de l’aptitude du Chinois à faire un bon soldat : « Il faut en finir, écrivait-il, à la suite du commandement qu’il exerça dans l’armée chinoise ; il faut en finir avec la vieille légende de la poltronnerie du soldat chinois, qui demande seulement à être bien commandé. La régularité de ses habitudes, si remarquable en temps de paix, fait place, en campagne, à une audace voisine de l’imprudence. Son intelligence et son excellente mémoire en font un très bon sous-officier, la froideur de son tempérament et son calme imperturbable ne sont pas des qualités moins précieuses. Physiquement, il n’est peut-être pas en moyenne aussi robuste que l’Européen, mais il l’est beaucoup plus que les autres races de l’Orient. Une modeste ration de riz, de légumes, de poisson salé et de porc lui suffit pour supporter les plus grandes fatigues, soit dans un climat tempéré, soit dans les régions tropicales qui ont bientôt raison de l’énergie européenne. »

Ce portrait est celui du soldat chinois qui a été instruit ou qui combat sous les ordres d’Européens, de celui qui a ainsi acquis l’esprit militaire ; c’est le portrait, aussi, du Pavillon noir, ou du pirate de la frontière tonkinoise, en un mot, du Chinois qui a fait la guerre. Il n’est point douteux que les soldats exercés aujourd’hui à l’européenne, des armées du Pe-tchi-li ou des deux Tsiang, ne soient susceptibles, bien encadrés, de fournir d’excellentes unités de campagne.


IV

Mais, s’il est relativement aisé à la Chine, en faisant appel surtout au concours d’instructeurs étrangers, de se procurer rapidement des soldats et des cadres inférieurs, en nombre