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conque pour modifier les bases du système fiscal actuel, mais de les renverser. Aussi le parti libéral n’avait-il pas besoin de méditer et de se consulter longtemps avant de prendre position. Au surplus, ce qui prouve bien qu’il n’a pas seulement obéi à l’esprit de parti, c’est que, dans la lettre même à laquelle nous faisons allusion, M. Chamberlain est obligé de reconnaître que l’émotion produite par son projet n’a pas été moins vive dans le parti conservateur que dans le parti libéral. Tout le pays l’a partagée. Que le parti conservateur se soit divisé, on en a eu la preuve dans l’opposition immédiate qu’ont faite lord Hugh Cecil, fils de lord Salisbury, et M. Winston Churchill, mais surtout dans la démission de quatre ministres, au nombre desquels était le chancelier de l’Échiquier, M. Ritchie. Ce sont là des faits éclatans, sur le caractère desquels on ne saurait se méprendre. Le parti conservateur n’a pas été, comme le parti libéral, unanime dans son hostilité ; il fallait bien tenir compte de la situation périlleuse dans laquelle se trouvait placé le gouvernement. Au reste, celui-ci a commencé par prendre une attitude modeste : il n’avait pas eu la prétention de trancher lui-même et d’un seul coup une question aussi complexe. Dès le premier moment, M. Balfour ne laissait même pas de faire quelques réserves sur la solution proposée avec tant de fracas par M. le ministre des Colonies. Il fallait voir, disait-il ; il fallait faire une enquête et procéder sans arrière-pensée à une étude des faits ; rien ne serait plus déplacé que la précipitation en pareille matière. En somme, le gouvernement, effrayé sans doute par le proprio motu de M. Chamberlain, réclamait un ajournement. On n’aurait peut-être pas mieux demandé de le lui accorder, et même de laisser tomber une affaire qui soulevait tant d’objections économiques et politiques ; mais M. Chamberlain n’était pas homme à s’y prêter. Il a prouvé déjà, à maintes reprises, que sa première qualité était une inébranlable fermeté dans ses résolutions. M. Balfour avait demandé le temps de faire une enquête. Au fond, l’enquête était faite d’avance pour tout le monde ; elle l’était pour M. Balfour comme pour M. Chamberlain ; ils savaient parfaitement l’un et l’autre la solution qu’ils devaient adopter. La différence est que M. Balfour aurait pu se taire indéfiniment et que M. Chamberlain n’en était pas capable, même un seul jour. Il a continué de faire une propagande prodigieusement active et acharnée en faveur de son système, et on a vu sortir par millions de son fief électoral de Birmingham des brochures que le Tariff Committee distribuait en Angleterre et dans les colonies. L’impatience de M. Chamberlain mettait le gouvernement dans l’obli-