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et de chaires ; y a-t-il quelque candidat pour la chaire d’histoire ? Donnez-moi, madame, sur ce point un bulletin positif ; car rien n’égale ma sollicitude jusqu’au moment décisif. Une de mes tristesses dans mon mal de voix[1], c’est l’entière démonstration qui en résulte pour moi de mon incapacité pour une nouvelle épreuve ; c’est une ressource de moins dans l’avenir. En attendant je vais au cours des autres, et j’ai repris avec bonheur mon ancienne place sur les bancs d’Ampère, d’où j’assiste du rivage, non pas aux tempêtes, — il n’y a pas de tempêtes sur sa mer, — c’est canalisé d’un bout à l’autre, mais excellent.

« Je vous ai bien suivi du cœur et de la pensée, madame, à Vevey et partout. Pourquoi les destinées humaines sont-elles ainsi jetées si loin de leurs vœux et interceptées par les choses ? Adieu, je veux que cette lettre parte aujourd’hui, et je ne l’achève qu’au retour du cours d’Ampère, c’est-à-dire une demi-heure avant le moment voulu pour le départ. Baisez pour moi Aloys sur sa cicatrice, et Ziquety à l’endroit du front le plus poli ; j’embrasse Olivier de retour, M. Lèbre revenu lui-même de Gryon ; pour Mlle Sylvie (qu’elle ne s’effraye pas), je lui prends respectueusement la main, si elle est encore des vôtres. Amitiés à tous enfin et à ces demoiselles.

« Dites à M. Ducloux tous mes remerciemens et que j’ai entendu son cri d’ici, comme le son du cor de Roland.

« Adieu et mille respects du cœur. »

  1. Sainte-Beuve n’avait pas de voix et ‘en souffrait beaucoup quand il faisait son cours à Lausanne. Il écrivait un jour sur les feuilles volantes qui lui servaient de sous-main : « Je n’ai pas de poumons, je n’ai pas de mémoire, rien de l’orateur. — Derniers accens d’une voix qui tombe et d’un lutteur qui s’éteint ! »