Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 17.djvu/873

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avait toujours agi sous l’empire de convictions sincères autant qu’inébranlables. Il croyait la religion chrétienne menacée, et qu’il était tenu de la défendre.

— Quoi que vous écriviez, avait-il dit un jour à Voltaire, son camarade de collège, vous ne viendrez pas à bout de la détruire.

— C’est ce que nous verrons, avait répliqué Voltaire.

C’était donc entre René Hérault et l’esprit philosophique destructeur de sa foi une lutte sans merci. C’est parce qu’il voulait assurer la victoire à l’Eglise que ses coups avaient manqué trop souvent de mesure et d’équité. Le traitement auquel le soumit un empirique qui s’était fait fort de le guérir précipita sa fin. Il rendit l’âme le 2 août 1740, à l’âge de quarante-neuf ans, léguant à sa femme leur unique fils encore au berceau. Elle devait survivre à son mari pendant près d’un demi-siècle[1] et voir périr tragiquement ce fils et le fils de ce fils.

Après la mort de René Hérault, sa veuve ne parut appliquée qu’à se faire oublier. Retirée dans sa famille au château de Séchelles, elle s’y consacrait tout entière à l’éducation de son enfant, s’efforçant de le rendre digne de la carrière que lui assuraient, soit dans la magistrature, soit dans l’armée, les services de son père, et la faveur royale. Après avoir étudié son caractère et ses goûts, c’est à l’armée qu’elle le destina. Sa décision prise, elle en fit avertir le roi par les amis et les parens qu’elle comptait à la cour. Jaloux de tenir ses promesses, le roi répondit en accordant au fils de son ancien lieutenant général de police, quoiqu’il n’eût que onze ans, un brevet d’enseigne aux grenadiers de France[2] C’était en 1750. En 1753, le jeune Hérault de Séchelles fut promu au grade de capitaine dans les dragons de Caraman. Mais il ne parut au corps que deux années plus tard. Il y fit son stage et, le 8 avril 1757, une place de colonel étant devenue vacante par suite de l’avancement accordé à M. de Talleyrand, il y fut nommé avec promesse du commandement de Rouergue-Cavalerie dont il prit effectivement possession le 27 mai suivant.

Il y avait en de tels débuts dans la carrière des armes de quoi satisfaire l’orgueil maternel le plus exigeant. Mais, à la

  1. C’est par erreur que M. de Boislisle, à qui l’on doit de minutieuses et savantes recherches sur René Hérault, place la mort de sa veuve à la date de 1745. Elle mourut à Livry en 1798.
  2. .Archives de la Guerre.