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voie scientifique, cette immortalité, nous sommes en revanche beaucoup plus libres d’y croire que ceux mêmes qui y croient n’ont communément l’habitude de le supposer.


Cette double signification de l’ouvrage de Frédéric Myers s’explique, du reste, le plus simplement du monde, par le caractère même et le plan de l’ouvrage. C’est que cet ouvrage, lui aussi, est double, formé de deux parties parallèles, qui se juxtaposent de chapitre en chapitre, et s’arrangeraient parfaitement d’être séparées. D’un côté, il y a une masse de faits : exemples de prévisions, de pressentimens, d’échanges de pensées à distance, d’apparitions, etc., de toute sorte de phénomènes anormaux, pour ne pas dire surnaturels : tout cela présenté avec un tel luxe d’attestations que, à moins d’un parti pris d’incrédulité, — et sauf ensuite pour nous à imaginer telle explication qui nous conviendra, — nous sommes bien forcés d’en admettre la véracité. Et, d’autre part, il y a, s’appuyant sur ces faits, l’argumentation personnelle de l’auteur : une argumentation toute dialectique, aussi constamment arbitraire que les faits qui l’accompagnent sont positifs et précis ; une argumentation qui, ainsi que je l’ai dit, procède de proche en proche, suivant une méthode constructive plus encore qu’inductive, de telle manière qu’avant d’admettre, par exemple, la théorie que nous propose Myers sur le somnambulisme, nous sommes tenus d’avoir admis la suite tout entière de « es théories précédentes sur la conscience, la mémoire, le sommeil, etc. Ainsi tout l’ouvrage est un long discours continu, se maintenant au-dessus d’une énorme quantité d’observations particulières qu’il nous présente comme lui ayant servi de matériaux, mais que rien ne nous empêche, quant à nous, de considérer à part et isolément, pour en tirer nous-mêmes d’autres conclusions.

Voici maintenant, en résumé, l’ordre et la suite du discours de Myers :

La personnalité humaine n’est certainement pas, comme le croyaient les anciens philosophes spiritualistes, un principe simple et homogène, identique à la conscience que nous avons de notre moi : mais elle n’est pas non plus, comme le voudraient les empiristes modernes, un mélange composite d’élémens divers, n’ayant aucun lien entre eux. En réalité, notre mot est bien un principe unique, sous la variété de ses manifestations : mais c’est un principe qui dépasse infiniment le petit groupe de faits que la conscience nous permet d’atteindre. Sous ces faits, dont l’ensemble constitue notre moi