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potier, du tiseur, du cueilleur, du souffleur et de l’ouvreur, le verre est fait : c’est bien fondu, mais il faut tailler. Il faut rogner les aspérités, polir les fonds et les bords, ôter ce qui est en superfétation, abattre les excroissances inutiles qui sont comme la « masselotte » du verre. Ce sera l’affaire de la taille, qui emploie des tailleurs sur verre, des polisseurs, des boucheurs, des fletteurs, des coupeuses et des rebrûleuses : six catégories encore d’ouvriers ou d’ouvrières, et nous sommes à douze, — à treize, en comptant le potier. Mais le verre, au sortir de la taille, n’a pas revêtu toute la beauté dont il est capable : il reste à l’habiller de fleurs et de couleurs : l’atelier de décoration y pourvoira, par ses peintres décorateurs, ses émailleurs et émailleuses, aidés de moufletiers ou mouffetiers recuiseurs ; et voilà, dans la verrerie, seize catégories ou spécialités, qu’il serait facile d’élever à vingt et au-delà, car on pourrait subdiviser et distinguer, parmi les décorateurs notamment, ceux qui reportent les dessins, les décalquent au papier gras ; les petits garçons et les petites filles qui « font le remplissage du décor, » qui « remplissent » en peinture les dessins ainsi reproduits ; les hommes qui « font le filet, » qui soulignent en quelque sorte la perfection de la pièce et en quelque sorte la signent d’un filet d’or ; ensuite, les graveurs aux différentes manières, depuis le procédé classique jusqu’au procédé mécanique de la chute du sable, précipité violemment par un soufflet à air comprimé à travers des lettres découpées, dont il frappe, de ses petits coups multipliés, d’autant de coups qu’il tombe de grains, l’empreinte nette et vive sur le verre.

D’autre part, ajoutez les ouvriers qui, chaussés de gros sabots et gantés de gants de caoutchouc, pour éviter la corrosion de la chair et des ongles, font le granité, en attaquant le verre à l’acide fluorhydrique. Et ajoutez, comme en toute grande industrie, des menuisiers, des charpentiers, des forgerons, des maçons, professions qui ne sont pas des spécialités de la verrerie, mais qui, ici, vivent avec elle et sur elle ; des emballeurs, des manœuvres, ce travail presque inorganisé qui est, si je l’ose dire, « le train » du travail organisé : cela fait quelques catégories de surcroît, et, en somme, la vingtaine est dépassée.

Aux Verreries de Saint-Denis, le personnel est sous la surveillance d’un directeur-gérant, de deux chefs de service pour la fabrication, un chef pour la décoration, un pour les magasins, un pour la taillerie, et de vingt employés en sous-ordre.