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Or, la cellule hépatique est issue de la cellule intestinale ; elle a hérité de ses aptitudes. C’est l’activité transmutatrice de l’intestin qui se retrouve dans le foie. Elle s’y retrouve seule, amplifiée à un haut degré chez les vertébrés supérieurs ; elle s’y retrouve encore chez les invertébrés, mais atténuée parce qu’elle s’y superpose aux deux autres fonctions cette fois, digestive et absorbante. Telle est l’origine de cette activité chimique, multiforme, débordante, exaltée, qui caractérise le foie et en fait le principal laboratoire de l’économie. Le terme ordinaire de son travail est la mise en réserve, dans l’organe hépatique, de substances accumulées, de véritables provisions faites non seulement en vue de ses besoins, mais pour la satisfaction de ceux de l’ensemble de l’organisme.

Les fonctions martiale et pigmentaire ne sont que des aspects particuliers de cette activité transmutatrice.


VI

Le foie, envisagé dans l’ensemble du règne animal, présente les plus grandes variétés d’aspect et tous les degrés de complication. Simple tache de l’intestin moyen chez les oursins et les ascidies ; dépression en doigt de gant (cæcum) de cette même paroi intestinale, chez certains vers et crustacés inférieurs, elle devient un conduit ramifié, puis successivement, une glande tubuleuse chez les mollusques, et enfin une glande lobulée et vasculaire sanguine chez les mammifères et chez l’homme. Mais si la forme et la structure changent d’un groupe d’animaux à l’autre, il y a une chose qui ne change pas, c’est la coloration (pigmentation). Elle est toujours jaune brun ou, exceptionnellement, vert brun. — La sécrétion de l’organe, la bile, elle aussi, est colorée dans la même gamme ; mais elle ne l’est pas toujours ; il y a beaucoup de biles incolores. Au contraire, il n’y a jamais de foie incolore. Presque immanquablement, organe jaune brun veut dire organe hépatique : il n’y a pas de meilleur signalement. Un caractère si universel ne saurait être sans signification. On peut ne pas connaître la fonction de ce pigment ; on est sûr qu’elle est de premier ordre. Cependant on ne s’était pas appliqué à son étude jusqu’à ces dernières années. C’était une lacune que quelques physiologistes (Dastre, Floresco) viennent de combler.

On a donc étudié ces matières colorantes (pigmens). On a vu d’abord que les pigmens du tissu du foie ne sont pas nécessairement ceux de la bile : chez tous les vertébrés, les deux espèces de matières