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Page:Revue des Deux Mondes - 1903 - tome 18.djvu/339

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cet amoncellement du matériel de guerre, transforment la paix armée de nos jours en un fardeau écrasant que les peuples ont de plus en plus de peine à porter. » « Il paraît évident dès lors, » continuait le message impérial, « que, si cette situation se prolongeait, elle conduirait fatalement à ce cataclysme même qu’on tend à écarter, et dont les horreurs font frémir à l’avance toute pensée humaine. »

Ces vérités certaines furent chaleureusement défendues à la conférence, principalement par les représentans des petits Etats, mais attaquées par ceux de quelques grandes puissances. Le porte-parole de ces derniers fut le distingué délégué de l’Allemagne, le colonel Gros de Schwarzkoff, qui, dans un remarquable discours, déclara devant les représentans des vingt-six puissances européennes, américaines et asiatiques, que « le peuple allemand n’est pas écrasé sous le poids des charges et des impôts ; il n’est pas entraîné sur la pente de l’abîme ; il ne court pas à l’épuisement et à la ruine. Bien au contraire, la richesse publique et privée augmente, le bien-être commun, le standard of life, s’élève d’une année à l’autre. »

Nous ne laisserons point passer cette occasion de rendre un très sincère hommage à la mémoire de notre éminent collègue à la conférence de La Haye, mort depuis dans l’incendie du palais impérial à Pékin. Mais nous constaterons que son discours ne put convaincre tous les membres de la conférence. Des doutes trouvèrent un écho persistant, surtout dans les réponses des petits États ; et ces doutes étaient bien fondés, si l’on compare les paroles du délégué du gouvernement allemand à la conférence avec la déclaration faite quelques années auparavant par l’illustre maréchal de Moltke.

Dans la séance du 4 décembre 1886 au Reichstag, le maréchal avait en effet prononcé les paroles suivantes : « L’Europe entière attend en armes ; où que nous regardions, nous voyons nos voisins de droite et de gauche armés, et surchargés par un attirail de guerre dont le poids est difficile à supporter, même pour un pays riche. Cette situation ne veut indéfiniment se prolonger. »

Voilà, sur le poids même qu’imposent aux nations les armemens excessifs, deux opinions absolument opposées l’une à l’autre ; toutes les deux émises par deux militaires allemands, dont l’un était un génie stratégique hors de pair. La conférence