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la République ne pouvait donc que câbler à l’amiral de remettre les douanes aux autorités locales, de cesser toute démonstration et de quitter les eaux turques. Le Faidherbe, le Linois et les contre-torpilleurs abandonnèrent Sigri et Port-Olivier le lundi 11 ; le même jour, la douane et le télégraphe de Mytilène étaient rendus ; les marins regagnaient les cuirassés, et ceux-ci, sous la conduite de l’amiral, appareillaient le 12 dans la soirée pour se replier à Syra et attendre de nouveaux ordres dans ce poste central de surveillance, admirablement choisi.

Dans l’entourage de l’amiral, on affirme aujourd’hui qu’au bout d’un temps moral, qui n’excédera pas dix jours, nous rentrerons tous en France.


Du lundi 18 au samedi 23 novembre. — Syra (Grèce).

Les courriers, mal dirigés, nous parviennent avec beaucoup d’irrégularité : la lettre que j’ai reçue le 14 était la troisième que m’avait écrite Madeleine. Le 18, j’ai reçu la cinquième. Ce matin, la première et la deuxième me sont parvenues ensemble après être allées me chercher à Mytilène et à Sigri. La quatrième court encore je ne sais où, à Constantinople, me dit-on. Ma femme a eu soin de numéroter chaque lettre, ce qui me permet ainsi de constater exactement les lacunes.

Je ne regrette pas d’avoir reçu le numéro 5 avant le numéro 1 :

Pauvre numéro 1 ! Il a été écrit trois jours après notre départ, le 2 novembre, jour des Morts.

Madeleine m’y parle longuement de la tempête qui a sévi à Toulon dans la soirée du 30 octobre et qui a duré jusqu’au 1er novembre. Cette tempête lui a d’abord procuré une égoïste satisfaction, car, le 30 octobre, à 5 heures du soir, elle a clairement vu, passant sous les falaises du Cap Brun et pénétrant en petite rade, une longue file de navires brillamment éclairés à l’électricité ; l’escadre à n’en pas douter !

Alors, comme elle savait que je n’étais pas de service, elle était certaine que, malgré la pluie et le vent, je ne tarderais pas à paraître à la villa des Mimosas.

D’après ses calculs, les navires auraient tous pris leurs mouillages à six heures : à sept heures, par suite, j’arriverais pour dîner.

Sept heures avaient sonné, puis huit heures. À huit heures et quart, elle s’était décidée à se mettre à table, à cause d’Olga ;