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profonds, mais vieillis de forme, avec les prétentions, les ambitions sans limites que la deuxième moitié du XIXe siècle a vues surgir dans les cerveaux germaniques, grisés par les succès éclatant des trois grands rameaux de la famille, l’Allemand, l’Anglais, le Yankee. Le système, complexe en ses origines, capricieux dans ses allures, et quelque peu ardu dans son exposition qui fera l’objet de notre étude, est le plus achevé de tous, le plus apprécié aussi chez nos voisins à l’heure présente. Son retentissement grandit chaque jour et les témoignages de son influence s’accumulent sous les regards surpris de ceux qui s’intéressent au mouvement intellectuel d’outre-Rhin. Nous tenterons d’offrir aux lecteurs français un rapide aperçu de cette subtile et conquérante doctrine, dussions-nous leur demander pour cela un crédit de patience indulgente, et un effort de bienveillante attention.


I

Un ouvrage de philosophie historique dont le format est assez imposant pour évoquer en notre mémoire le souvenir des volumineux lexiques grecs ou latins de nos jeunes années, et dont les éditions se succèdent néanmoins, dont les supplémens s’accumulent pour s’enlever en quelques semaines, c’est là un spectacle rare dans le domaine de la production intellectuelle ; aussi rare en Allemagne que partout ailleurs, en dépit des goûts sérieux du public d’outre-Rhin, car nos voisins, rendus plus exigeans par une abondante production érudite, n’accordent qu’à bon escient aux œuvres savantes la consécration du succès populaire.

Telle est cependant la fortune qui vient d’échoir aux Assises du XIXe siècle de M. Houston-Stewart Chamberlain. Cet écrivain, qui n’a aucun lien de parenté avec le brillant ministre des Colonies britanniques, et professe un tout autre impérialisme que son homonyme de Birmingham, n’est pas un inconnu pour les lecteurs de la Revue des Deux Mondes, où ses études sur Richard Wagner ont apporté sans aucun doute la note tout à la fois la plus pénétrante et la plus claire que la France ait jamais perçue dans le concert trop souvent cacophonique des échos de Bayreuth[1]. Cependant les Assises du XIXe siècle ont été comme

  1. Voyez la Revue des Deux Mondes des 15 octobre 1895 et 15 juillet 1896