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où son pied chancelle ; elle l’avertit, comme jadis le démon de Socrate, quand il est sur le point de faillir. Elle exige de lui l’obéissance, mais c’est pour l’encourager à des actes sublimes qu’il n’eût jamais osé entreprendre de son propre mouvement, auxquels se mêle une grandeur à la fois simple et originale. En un mot, c’est une fée bienfaisante penchée dès le berceau sur les élus de la naissance, ou mieux encore un véritable ange gardien, délégué de la Providence, car les lignes qui précèdent font involontairement songer à ce touchant enseignement du christianisme. Gobineau, à qui les Assises doivent beaucoup, comme nous le montrerons, était arrivé de son côté à une conception analogue du Dieu, ou du Verbe-Race, partiellement incarné en chacun de nous[1]. Et, dès lors qu’on éprouve à toute heure des consolations si précieuses, n’est-on pas excusable de proclamer comme M. Chamberlain, à bout d’argumens, que « la race existe, parce que c’est évident ! »


IV

Voilà, dira-t-on, une philosophie bien décourageante. Que faire en effet lorsque, par la faute de nos ancêtres, nous ne percevons pas en nous cette tendre berceuse, murmurée par la Nature maternelle, ou plutôt cet hymne orgueilleux entonné par la race privilégiée ? Consolez-vous, déshérités de la grâce ethnique, le mal n’est pas sans remèdes, la perte de la pureté du sang n’est pas à tout jamais irréparable. Car la science biologique a singulièrement progressé depuis l’heure où le comte de Gobineau, croyait devoir annoncer, à la fin de son Essai sur l’inégalité, la déchéance certaine et définitive de l’humanité, punie, sans rémission, pour une étourderie de jeunesse. Darwin, appuyé sur les utiles expériences de l’élevage britannique, a montré depuis lors comment on guérit les races avariées, comment on les relève de leurs passagères décadences, comment on les crée de toutes pièces au besoin, pour une fin déterminée. « Une race noble ne tombe pas du ciel, dit M. Chamberlain, elle se crée ; et ce processus de formation peut reprendre à chaque instant, aussitôt

  1. Au sujet des théories ethniques de ce penseur français si goûté en Allemagne, nous prions le lecteur de se reporter à notre ouvrage : le Comte de Gobineau et l’aryanisme historique Plon, 1903.