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ou moins cuivrés, parfois colorés jusqu’au noir pur, portant partout leur influence et leur alliance délétère : et le mot de « chaos » ne faisait pas défaut sous sa plume pour stigmatiser cette orgie du mélange déréglé, cette putridité ethnique dont le seul relent lui soulevait le cœur. Enfin l’on pourrait constater dans l’œuvre du diplomate français que, pour l’école de l’aryanisme septentrional, antisémite ne signifie pas tant antijuif qu’antiméditerranéen.

Sur ce point, M. Chamberlain se montre donc assez docile aux leçons du penseur qu’il relève si vertement ailleurs ; et il en est de même dans le détail de ses analyses de psychologie méridionale. Vis-à-vis de l’hellénisme, par exemple, il semblerait au premier abord plus indulgent que Gobineau ; mais ce dernier a ressenti de son côté des accès de sympathie pour l’aspect artistique de l’activité grecque, et il a fini dans l’adoration du Parnasse. Son élève indiscipliné pense au total comme lui sur la politique de la Hellade, sur le rationalisme semi-asiatique de ses sages, sur les mérites comparés des Grecs et des Iraniens.

L’Histoire des Perses est mise à contribution à plusieurs reprises par M. Chamberlain ; il en cite l’excessif passage sur la véritable signification de la bataille de Salamine, et la douceur iranienne s’oppose une fois de plus sous sa plume à la cruauté sémitico-grecque ; à ce point que la bonté lui paraît venue de l’Inde vers le Sud européen.

Lorsqu’il aborde le domaine de l’art, il ne manque pas de montrer à son tour les lacunes athéniennes, dans le champ de la musique et de la peinture principalement. C’est un bonheur à ses yeux que Gœthe, le « Grand Aryen, » n’ait été classique qu’en imagination, que son Faust soit si profondément germanique. L’imitation grecque a retardé plutôt qu’activé l’épanouissement de l’art moderne, et le séjour de l’Italie offre encore aujourd’hui un véritable danger pour l’heureuse évolution esthétique des artistes du Nord. Gobineau assurait que nul n’hésitera « à placer Dante, Michel-Ange, Shakspeare et Gœthe sur des trônes dont Phidias et Pindare ne touchent pas le marche-pied[1], » et M. Chamberlain écrit : « Quel artiste grec, je le demande, se laisse égaler à Richard Wagner pour la force créatrice

  1. Gobineau, Histoire des Perses, II, 239.