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sortit la contagion d’ascétisme qui passa comme un souffle desséchant sur la primitive société chrétienne.

Que la cure ne fut-elle plus radicale et plus décisive encore ? Ce moyen pacifique ayant échoué, l’auteur des Assises se laisse en effet entraîner par son animosité à des rêves vraiment sanguinaires. Les Barbares auraient fait sagement à son gré d’achever l’œuvre des stylites. Il faut regretter que partout où le Germain étendit son bras vainqueur, il n’ait pas plus complètement exterminé la Latinité corrompue ; car elle devait renaître un jour de ses cendres mal éteintes, la perfide race chaotique, pour arracher à l’influence bienfaisante du sang régénérateur lapins grande partie de ses anciens domaines, en dépasser même les limites, si nous nous fions à certains ethnologues contemporains.


Ces Romains que nous croyions morts.
Rampant sous leurs tristes royaumes,
Rongeaient au pied nos contreforts,


pleurait déjà le chantre d’Amadis !

C’est, vers le temps de la Renaissance que se trahit au grand jour cette malsaine résurrection des chaos des peuples, dont l’esprit s’incarne à cette heure dans la personne d’Ignace de Loyola. Non que la personnalité même du fondateur de la Compagnie de Jésus ne garde quelque grandeur aux yeux de M. Chamberlain. Gentilhomme et soldat, ce combatif a fait après tout œuvre durable et forte, œuvre impérialiste au sens propre du mot. Mais l’inspiration profonde de cette œuvre vient tout entière des obscurs dessous ethniques de l’âme de son auteur. Car, s’il est « de race pure, » ce qui fait sa valeur relative, cette race, l’Ibère ou la Basque, n’est pas germanique, pas même aryenne. C’est un débris des familles préhistoriques de l’Europe. Aussi, Loyola a-t-il si bien réveillé par ses leçons les instincts primitifs qui dirigeaient les hommes de l’âge de pierre, avant l’arrivée des premières migrations asiatiques, que, si M. Chamberlain se prend à relire les Exercices spirituels du grand dompteur d’âmes, sa vive imagination fait aussitôt retentir à son oreille « le rugissement de l’ours des cavernes menaçant nuit et jour les hommes des temps diluviens, » ces créatures, sans défense efficace, plongées dans l’hébétement du fauve aux abois ! Que ne peut la puissance de la fantaisie : à la lecture d’un livre de piété, l’instinct de la race évoque soudain dans cette nature vibrante