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y a consenti avec empressement M. Combes ; libre, avec ces exceptions, sous toute espèce de réserves et toute espèce de précautions, dont les unes peuvent être acceptées à peu près unanimement, dont les autres ne laissent pas que de paraître à plusieurs abusives. Et telle est la misère des temps que, malgré tout, on doit se féliciter d’avoir échappé à pis. Quel que soit le nombre de citoyens français que la loi sur l’enseignement frappe de déchéance, qu’elle ampute d’une faculté et en qui elle supprime un droit, c’est une douloureuse consolation de songer qu’il s’en est fallu de peu qu’on n’en décapitât, sous cette guillotine sèche, un nombre bien plus grand encore.

Est-ce la fin, au moins ? Qui se risquerait à l’affirmer ? L’infatigable M. Combes, sentant glisser son portefeuille, a annoncé pour un avenir prochain des mesures complémentaires. Alors, comme hier, nous verrons revenir M. Clemenceau, menant le chœur des théoriciens jacobins de la liberté. Vieille histoire, éternelle duperie, illusion et désillusion séculaire. « De ceux qui réclament la liberté, s’écriait une voix, il y a quatre cents ans, la foule ne la veut que pour être tranquille, et le reste ne la veut que pour opprimer autrui. » — « liberté, ajoutait l’autre, il y a cent ans, quand la Terreur, elle aussi, se parait de noms usurpés, que de crimes on commet en ton nom ! »


Dans l’intervalle, la Chambre examinait le budget, sans curiosité fébrile. La discussion générale en ayant été, cette année, aussi écourtée que possible, on s’est quelque peu rattrapé sur les chapitres. De plus en plus l’usage s’établit pour les rapporteurs d’écrire et d’imprimer, sur chaque département ministériel, d’énormes volumes où il est question de tout, et même, accidentellement, du budget. Distribués à la dernière minute, il n’est peut-être pas un spécialiste qui les ait pu lire d’un bout à l’autre ; mais il n’en est pas un qui, en les feuilletant, n’y trouve ici ou là une matière digne d’exercer son éloquence. D’où une suite de séances qui se prolongent durant deux mois, et vont en se doublant, matin et soir. Assurément, la Chambre ne regardera jamais de trop près à l’aménagement et à l’administration des finances publiques : n’y a pas pour elle de besogne plus utile ; consentir les crédits, contrôler les dépenses, c’est la fonction traditionnelle, essentielle, l’histoire permet de dire la fonction naturelle du Parlement. Tout de même, cela n’est plus aussi exact des assemblées non seulement périodiques, mais plus qu’annuelles et presque permanentes, comme sont nos Chambres modernes,