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le lièvre et le lapin soient des genres tout à fait différens, bien plus que le loup et le renard, le cheval et l’âne. — Bref les idées actuelles viennent de tout un ensemble de recherches de physiologie et de zoologie que les réfutations du livre ne me semblent point toucher.

Je n’ai pas besoin de demander pardon de ces objections ; je sais que M. Guizot et toi vous êtes franchement et foncièrement libéraux, et que vous admettez la contradiction.


A Monsieur F. Guizot.


Paris, 19 décembre 1871.

Monsieur,

MM. Hachette m’envoient votre volume sur le Duc de Broglie ; n’étant point abonné à la Revue des Deux Mondes, je n’en avais lu que des extraits, et je me proposais d’acheter les numéros. Je vais lire et étudier l’ouvrage ; il y en a peu qui, en ce moment, puissent m’être aussi profitables. Aujourd’hui tous, jusqu’aux hommes incompétens, sont obligés de s’occuper de politique ; j’ai analysé la plume à la main les Vues sur le gouvernement de la France ; depuis six mois j’étudie à la Bibliothèque les sources originales de notre histoire depuis 1789 ; j’ai dépouillé aux Archives la correspondance des préfets de 1814 à 1830 ; je vais tâcher d’avoir celle des années suivantes ; je suis donc particulièrement heureux d’avoir votre livre, et (laissez-moi l’espérer) de croire qu’il me vient de vous.

MM. Hachette ont dû vous adresser les Notes sur l’Angleterre et la brochure sur le Suffrage universel ; permettez-moi de vous les offrir. Je vous dois les amis que j’ai encore en Angleterre ; c’est vous qui m’avez ouvert ce pays, et ce que je puis y avoir appris d’utile vous appartient. Je vous dois encore bien d’autres choses : l’Histoire de la civilisation en Europe et en France est encore aujourd’hui le fonds commun d’après lequel s’élaborent les idées historiques, et les Mémoires sur la monarchie de Juillet ont dit d’avance ce que l’expérience commence à faire comprendre, à savoir que, dans le conflit de la nation et du gouvernement, c’est la nation qui avait tort. Les documens de toute sorte que j’ai lus cet été concluent dans le même sens ; quand on regarde le passé de près et de sang-froid, on trouve qu’en général les Français depuis 1789 ont agi et pensé en partie comme des tous, en partie comme des enfans.