Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/122

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

le principe d’une suspension d’armes, pour en faciliter l’exécution. En tout cas, dans les réponses qui furent faites à ces propositions, toutes les Puissances exigeaient expressément que, pour être autorisé à poursuivre les négociations qu’il venait d’entamer, le Gouvernement de l’Empire du Milieu donnât, au préalable, et d’urgence, aux autorités et aux troupes chinoises l’ordre de « cesser immédiatement les hostilités contre les étrangers ; — de se mettre en communications amicales avec les forces internationales ; — de s’effacer devant ces forces dans leur marche sur Pékin. »

On conçoit aisément que les ordres et les contre-ordres qui furent vraisemblablement la conséquence, de la part de la Cour de Chine, de ces énergiques injonctions des Puissances durent avoir leur contre-coup dans l’élaboration et encore plus dans l’exécution des plans des généraux chinois, notamment dans les dispositions prises par les commandans des troupes chargées de s’opposer à la marche des Alliés, de Tien-Tsin à Pékin, et d’assurer la défense de la capitale chinoise ; ils ont dû également exercer une influence désastreuse sur le moral de ces troupes. Le peu de hâte que mit la Cour elle-même à fuir de Pékin, où elle faillit être capturée par les Alliés, paraît être une preuve frappante de sa confiance dans une heureuse issue des négociations qu’elle venait d’engager[1].

  1. Ce court exposé rétrospectif des circonstances qui ont accompagné la prise de la capitale du Céleste Empire, des causes et des mobiles qui ont pu peser sur les déterminations de la Cour — et dont le résultat, à n’en point douter, fut de favoriser, directement ou indirectement, les opérations de l’armée internationale pendant cette période de la campagne du Pé-tchi-li, — nous semble fournir une explication plausible de la facilité avec laquelle cette armée de 14 000 hommes a pu s’avancer jusqu’à Tong-Tchéou, contrairement à toutes les prévisions, au moment même où un accord venait d’être concerté entre les Russes et les Japonais, aux termes duquel la deuxième quinzaine du mois d’août était fixée comme l’époque la plus propice pour l’entreprise de cette marche ; où l’on estimait communément que le corps d’opérations devait compter de 60 000 à 80 000 hommes. On y trouve l’explication de cet abandon précipité, par l’armée chinoise, des deux places d’Ho-Si-Vou et de Tong-Tchéou, dont la défense s’imposait, et, aussi, de l’absence complète de résistance des troupes ennemies, entre Tong-Tchéou et Pékin, dans ces mêmes plaines de Pa-li-kao où les hordes tartares tentèrent, en 1860, d’arrêter le corps expéditionnaire franco-anglais. L’état de désorganisation dans lequel devait sans doute se trouver l’armée chinoise, comme conséquence de l’impuissance où était tombée l’autorité impériale, à Pékin et sur tous les points où les Boxeurs étaient les maîtres ; la démoralisation dont elle pouvait avoir été frappée à la suite de la prise de la Cité Murée de Tien-Tsin et des combats de Peitzang et de Yang-Tsoun, ne suffisent pas, à notre avis, à donner la raison du peu de résistance que les Alliés ont rencontré dans leur marche et dans l’attaque de la capitale chinoise, Il sera peut-être bon de tenir un certain compte de ces observations dans le jugement qui sera émis sur la valeur générale des élémens qui composaient l’armée du Céleste Empire, en 1900. Ajoutons que des documens récemment parus tendent à établir qu’en diverses circonstances de la seconde période de cette campagne de Chine, l’inaction dont on a fait un reproche aux généraux chinois était raisonnée, systématique, et se trouvait justifiée par les ordres formels que ces généraux avaient reçus de leur gouvernement.