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l’opinion des deux généraux français et américain, qui l’attribuaient à une attaque des Légations par les Chinois. Un indigène que la colonne française fit prisonnier, vers dix heures du matin, confirma cette hypothèse par sa déclaration. Tout au plus, enfin, pouvait-on présumer que cette fusillade provenait de quelque démonstration effectuée par les détachemens avancés du contingent japonais, contre l’une des portes Est de la Ville tartare, en vue d’attirer les défenseurs de Pékin de ce côté et de faciliter le franchissement ultérieur des murailles de la Cité chinoise, en exécution de l’un des nombreux plans ébauchés, dans des conversations particulières, entre quelques chefs alliés. En tout cas, aussitôt les dispositions pour le bivouac arrêtées, le général pria un capitaine attaché à la Légation de Russie en Chine, qui avait marché depuis Tong-Tchéou avec la colonne française, de chercher à se mettre en relations avec le quartier général de son corps d’opérations, afin d’informer le général Linéwitch que la colonne française était concentrée tout entière au premier barrage du Canal Impérial. Cet officier rentra, une demi-heure après, sans avoir trouvé trace du passage du corps russe, et en déclarant qu’il lui paraissait très imprudent de s’aventurer, sans être en forces, dans l’immense trouée qui existait entre les corps français et russe. De petites patrouilles d’infanterie envoyées en avant, et sur le flanc droit, — les seules que la colonne pût, à ce moment, affecter au service des reconnaissances, en raison de son très faible effectif, — ne signalèrent, de leur côté, la présence d’aucune troupe ni d’aucun indigène dans un rayon de 600 à 800 mètres autour du barrage. Quant à sa cavalerie, le corps français ne disposait que de quelques hommes dont les chevaux, comme les petites montures annamites des officiers, étaient exténués de fatigue. Hommes et animaux furent mis au repos.

Entre temps, vers dix heures, puis vers dix heures trente du matin, des coups de canon furent tirés par la batterie américaine qui s’était établie à hauteur du village du barrage, sur une faible élévation de terrain. Le capitaine Bobo et l’enseigne de vaisseau de Grancey furent aussitôt envoyés auprès du général Chaffee pour s’enquérir du but de cette action d’artillerie. Ils trouvèrent cet officier général, monté, avec quelques autres officiers, sur le toit d’une case, la jumelle à la main, en train d’observer les points de chute des projectiles tirés par sa batterie