Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/151

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

exquises, et nous donne deux cosaques pour nous accompagner, après nous avoir confirmé, par signes, l’entrée des Russes dans Pékin. Un peu après neuf heures du soir, nous arrivons enfin à la porte de Toung-Pien-Men. Une batterie de campagne russe est campée à 300 mètres des murailles ; elle s’était engagée dans l’intérieur de la Cité chinoise, un moment après le passage des Japonais. Retardée dans sa marche, ayant reçu quelques coups de feu, et se trouvant sans soutien d’infanterie, son commandant a jugé prudent, avec raison, de faire demi-tour et de venir bivouaquer hors de la ville. De grands feux sont allumés, autour desquels quelques soldats, les cuisiniers de la batterie sans doute, sont déjà occupés à plumer quantité de poulets et de canards.

« Le général me dicte rapidement quelques instructions, que j’écris à la lueur de ces feux. Sur le conseil du général, le commandant de la batterie fait éteindre ceux de ces derniers qui se trouvent les plus rapprochés des remparts. Il était temps ; une vingtaine de balles sifflent au-dessus de nos têtes : ce sont les souhaits de bienvenue des Chinois qui occupent encore la muraille tartare à proximité.

« Je reçois, aussitôt après, l’ordre de me rendre, avec un cavalier, M. Wilden et le Chinois, à notre bivouac du barrage, pour en ramener le plus tôt possible deux compagnies et une section d’artillerie, avec lesquelles le général veut entrer sans tarder dans Pékin. Le reste de la colonne, moins la batterie de campagne, qui sera laissée provisoirement au barrage, avec un soutien d’infanterie, suivra le mouvement, dans la nuit même. En route, veillons à nos sentinelles, pour qu’elles ne nous prennent pas pour des Chinois. De temps en temps, en longeant la berge du canal, où nous risquons, dans l’obscurité d’une nuit à peine étoilée, de rouler avec notre monture, je fais siffler ma « sirène ; » nous l’avons déjà quelque peu employée ces jours derniers dans nos marches de nuit, et nos sentinelles la reconnaîtront bien. En effet, nous atteignons les avant-postes sans encombre ; nous nous faisons reconnaître d’assez loin, et l’on déblaie, pour nous laisser passer, le chemin que l’on avait barré pour la nuit. Au camp, tout le monde se reposait déjà ; mais, la nouvelle de l’entrée des Russes dans Pékin venant d’y être connue, — apportée par M. d’Anthouard, qui, de son côté, était également parvenu à se mettre en relations avec des officiers japonais et russes, — l’on s’attendait d’un moment à l’autre à suivre