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volontaires qui étaient loin d’être préparés à soutenir un siège de cette violence et de cette durée !

« La porte Ha-Ta-Men passée, les premiers obstacles franchis, la tête de colonne s’est arrêtée pour permettre aux unités de se grouper. Nos clairons font retentir, dans le calme sinistre qui nous enveloppe, leurs notes claires et vibrantes. On se sent remué, on est fier de fouler enfin le sol de cette capitale. Les vœux que nous avions tous formés, au départ de Tien-Tsin, sont enfin exaucés ! Nos hommes ont, il est vrai, leurs vêtemens en loques, mais ils n’ont point à en rougir : tout au contraire, ils peuvent s’en faire gloire.

« Partis de Tien-Tsin anémiés et fatigués, n’ayant, pour tous vêtemens, que la seule tenue, en étoffe d’un bleu sale, emportée à la hâte d’Indo-Chine, avec trois jours de vivres sur eux, sans convoi de ravitaillement, marchant, pour la plupart, nuit et jour, sur des routes poussiéreuses ou défoncées ; couchant n’importe où et n’importe comment, ils ont fourni le maximum d’efforts qu’on puisse demander à une troupe. C’est qu’ils étaient « marsouins » d’abord, et aussi qu’ils étaient soutenus par les paroles de notre général, qui de temps en temps stimulait leur ardeur, en leur faisant entrevoir la perspective de l’entrée dans Pékin. « Allons, mes amis, encore un effort : montrez que vous êtes dignes de l’infanterie et de l’artillerie de marine ! Pékin est là ! Qui de vous ne sera pas fier de dire plus tard : J’ai assisté à la prise de Pékin ? » (Notes d’un officier d’ordonnance. — Capitaine Bobo.)

Quelques volontaires des Légations ont reconnu les sonneries françaises et accourent à la rencontre de la colonne : officiers et soldats saluent bientôt, en passant, le drapeau aux trois couleurs qui flotte crânement sur ce qui fut la Légation de France ! Là, sont réunis les marins français, italiens et autrichiens, héros survivans d’un bien glorieux épisode, et qui, la joie dans les yeux, nous accueillent aux cris répétés de « Vive les marsouins ! Vive la France ! » La colonne fait halte sur ce point ; les hommes vont pouvoir, enfin, se reposer sur un sol français !

Le général, avec quelques officiers, se rend, sans retard, à la Légation d’Angleterre où tous les ministres, sans aucune exception, et leur personnel se sont transportés, dès le début des hostilités, avec les femmes et les enfans, selon un plan arrêté d’un commun accord, dans les premiers jours de juin, entre les