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exaltée du monde et de l’homme, et c’est avec réserve que nous accueillerons les recettes transcendantes de M. Chamberlain, aussi bien que ses avances ethniques.


VI

Il trouve en ce moment plus près de lui de quoi le consoler de nos timidités rationalistes. Nous avons indiqué déjà que l’auteur des Assises nous paraissait avoir enrôlé sous ses étendards une recrue d’importance dans la personne du brillant souverain de l’Allemagne confédérée.

Guillaume II ne semble-t-il pas prédisposé d’ailleurs à accepter quelque chose des idées de M. Chamberlain par une tournure d’esprit toute parente, à la fois mystique et autoritaire, religieuse et combative ! Lorsqu’il visita, l’an dernier, Aix-la-Chapelle, la vieille cité impériale, l’Empereur fut amené à proposer ses vues sur la mission de l’Empire allemand, et il s’exprima à peu près de la sorte : Ce fut certes le témoignage d’une haute confiance dans les destinées de notre race germanique, à peine apparue au seuil de l’histoire, que l’acte papal qui conféra à Charlemagne la couronne et l’héritage des Césars. L’édifice romain vacillait sur ses bases, et seule l’apparition du victorieux et vivant Germain fut capable d’imposer un nouveau cours aux destinées du monde. Pourtant, l’alliance des devoirs impériaux à ceux de la royauté germanique, était un trop lourd fardeau ! Charles le Grand put le porter encore, mais non point ses successeurs. Le souci de l’empire du monde leur fit perdre trop souvent de vue le peuple et le pays germains. Ils regardaient vers le Sud, et, cependant, leur héritage propre souffrait. Aujourd’hui, s’est constitué un Empire nouveau dont les devoirs sont différens. Réservés vers l’extérieur, recueillis dans les limites de notre patrie, nous nous bronzons à l’intérieur pour nous préparer aux travaux qui ne furent pas accomplis par le moyen âge. Conformément au caractère germanique, restreignons-nous vis-à-vis du dehors, afin de demeurer sans bornes vers le dedans. (Ici les mots mêmes semblent empruntés à M. Chamberlain). L’essor de notre langue, de notre science et de notre érudition s’étend partout au loin, poursuivit l’impérial orateur : il n’est pas une œuvre dans le domaine des découvertes nouvelles qui n’ait été composée dans notre langage, et nulle pensée n’est conçue dans