Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

plus ou moins passagère qu’ils apportent dans le fonctionnement du télégraphe. Toutefois, dans ce cas, les fils aériens sont seuls affectés. Les câbles sous-marins et les conducteurs profondément enterrés dans le sol échappent à l’influence orageuse. — Dans les tempêtes telluriques, au contraire, rien de ce qui touche au sol n’est épargné : les communications souterraines et marines participent au désordre universel. Seuls, les fils téléphoniques qu’un double enroulement protège contre l’induction électro-magnétique restent imperturbables[1].

Une tempête magnétique a accompagné la tempête électrique intra-terrestre. Les livres de bord des capitaines de navires signalent l’affolement des boussoles pendant la crise. Dans les Observatoires, on a vu l’aiguille aimantée, habituellement dardée vers le Nord magnétique, cesser de tenir l’arrêt et se mettre en mouvement plus ou moins rapide. A un certain moment, elle a subi, en moins de trois minutes, une déviation de près de deux degrés. Les lignes tracées sur le papier photographique par les diverses espèces de magnétographes, au lieu de conserver leur aspect habituel, onduleux et à peine tremblé, ont présenté des zigzags désordonnés.

Pour compléter le tableau de cette journée révolutionnaire, ajoutons qu’au cours de ces orages électrique et magnétique qui ont duré de neuf heures du matin jusqu’à la tombée de la nuit, les astronomes ont signalé sur le soleil une tache d’une grandeur exceptionnelle, placée près de son bord oriental.

Ces coïncidences ne sont pas fortuites. L’association des taches

  1. Le système télégraphique du monde entier s’est trouvé bouleversé, le 31 octobre, pendant quelques heures. — En Angleterre, cette tempête a été, — au dire de l’ingénieur électricien du Post-Office, M. Gavey, — la plus violente qui ait été observée depuis douze ans. Elle a commencé à Londres à 6 h. 45 du matin et a duré jusqu’à 5 heures de l’après-midi : elle n’a complètement disparu qu’à 8 heures du soir. — Aux États-Unis, la perturbation n’a pas été moindre : elle a duré huit heures, et pendant ce temps, le travail télégraphique a été gêné ou rendu impossible sur beaucoup de lignes : des courans parasites venaient contrarier les courans de fonctionnement. On en a noté quelques-uns d’une extrême énergie — de 675 volts, au moment du summum — parfaitement capables de foudroyer un homme. — En Espagne, les employés du câble de Cadix à Ténériffe ont été obligés de multiplier les contacts avec la terre afin de se protéger. Dans toute la péninsule ibérique, les communications ont été interrompues sur toutes les lignes qui courent du nord au sud. Il est remarquable, au contraire, qu’elles aient été très peu troublées sur les lignes transversales de l’est à l’ouest : rien d’anormal n’a été observé sur la ligne de Malaga à Almeria ; peu de chose en Vieille-Castille, de Aranda à Valladolid, non plus que dans les provinces de Cuença et d’Estramadure où la direction générale des lignes est de l’est à l’ouest.