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Si l’on reprend la comparaison des spectres à la clarté de ces principes, on trouve, cette fois, une coïncidence suffisante. — Au total, on compte plus d’une centaine de raies aurorales. H. Slassano a pris la peine de les confronter à celles des divers gaz volatils que Liveing et J. Dewar ont examinés isolément. L’accord est saisissant. L’absence des raies de l’azote s’explique par l’observation de Deslandres et Moissan, rappelée plus haut. La présence des raies dans le rouge et l’orangé est due au néon qui donne fréquemment aux aurores une teinte rosée : une trentaine d’autres coïncident avec celles de l’argon, du crypton et du xénon. Presque toutes les autres correspondent aux rayons émis par les gaz les plus volatils de l’air qui subsistent après condensation de l’hydrogène liquide, c’est-à-dire par le groupe de l’hélium.

Il résulte, de cet accord remarquable, une nouvelle démonstration de l’origine électrique des aurores. L’aurore polaire est bien une décharge électrique produite dans les gaz raréfiés des couches supérieures de l’atmosphère.

Il reste à indiquer la source de cette électricité. C’était, croyait-on jusqu’ici, une source terrestre. L’électricité positive des régions supérieures de l’atmosphère, transportée par les alizés de l’équateur vers les pôles, s’y déchargeait en produisant l’illumination aurorale. Telle était la théorie de A. de la Rive, en faveur vers 1862. Quant à l’origine du fluide positif de l’atmosphère, le physicien genevois l’attribuait, comme Volta, à l’évaporation puissante des eaux équatoriales.

En 1878, la théorie de la Rive avait fait place à celle d’Edlund. Pour ce physicien, l’aurore était bien toujours constituée par le retour régulier vers la terre de l’électricité qui, dans les régions équatoriales, a été poussée vers les hautes régions de l’atmosphère ; mais ce n’était plus l’évaporation de l’eau qui l’avait engendrée, ni les vents alizés qui la poussaient, c’était un mécanisme plus compliqué, celui de l’induction unipolaire. — Aujourd’hui, c’est un nouveau changement. Les travaux de MM. Elster et Geitle et de P. Lenard tendent à attribuer à la décharge aurorale, et à l’électricité atmosphérique elle-même une origine extérieure au globe terrestre, une origine solaire. Nous aurons l’occasion d’examiner prochainement ces théories.


A. DASTRE.