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de considérer la conscience chrétienne comme susceptible de devenir, par sa propre vertu, une ouvrière de beauté ; on avait perdu l’habitude, à l’école des pseudo-classiques, de chercher dans les monumens du moyen âge, parure du sol germanique, l’épanouissement architectural d’une intense religiosité. A l’issue de cette mauvaise éducation, les artistes qui descendaient vers la Ville Eternelle sentaient leurs yeux se dessiller ; Rome leur révélait, à eux, comme Chateaubriand le révélait aux Français, que le christianisme recelait, pour la création de l’œuvre d’art, un « génie » insoupçonné. Pour que ces surprises d’esthètes devinssent des secousses de consciences, pour que tôt ou tard ils fissent bénéficier l’Eglise romaine elle-même des hommages qu’ils rendaient à la beauté chrétienne enfin retrouvée, ce serait assez qu’une influence amicale s’exerçât, celle d’un Overbeck par exemple, ou celle d’un Zacharias Werner. Aussi la conversion au catholicisme, pendant près de trente ans, sera-t-elle, dans la colonie allemande de Rome, une sorte de phénomène contagieux.

Interminable serait la liste de ces néophytes, et nous ne pouvons ici que l’effleurer. Avant Overbeck, c’étaient, en 1807, les frères Riepenhausen, graveurs de talent ; en 1811, le peintre Friedrich Cramer. En même temps qu’Overbeck, en 1813, c’étaient Vogel, directeur de l’Académie de Dresde, et le peintre Louis Schnorr de Carolsfeld, et l’archéologue Platner. Après Overbeck, en 1814, c’étaient les deux Schadow, l’un peintre, et futur directeur de l’Académie de Dusseldorf, et l’autre sculpteur ; ils disaient adieu à Luther à l’instant même où leur père, sculpteur aussi, achevait, là-bas en Allemagne, un monument du Réformateur. En 1814 encore, c’était le peintre Klinkowström, qui ne rentrait de Rome à Vienne que pour se convertir et traduire Frayssinous. Et ce seront encore, en 1823, Frédéric Muller, qui pendant près d’un demi-siècle enseignera à l’Académie de Cassel ; en 1835, le peintre hambourgeois Frédéric Wassmann ; en 1838, le peintre Ahlborn ; en 1843, le peintre Andréas Achenbach et l’artiste bâloise Emilie Linder ; en 1844, le peintre Lasinsky. Overbeck fut parrain de plusieurs de ces néophytes ; ses lettres à Emilie Linder forment une sorte de démonstration de la foi. La conversion, pour la plupart de ces âmes, n’était pas un changement d’atmosphère ; elle était, bien plutôt, un témoignage rendu à l’atmosphère où depuis longtemps elles se