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MÉLODRAME OU TRAGÉDIE ?
A PROPOS DU DÉDALE

Nos lecteurs connaissent tous le Dédale, et ceux d’entre eux qui ne l’auraient ni vu jouer ni lu ont pu s’en former, par l’article de M. René Doumic, l’idée la plus précise et la plus juste. Mais, à propos du cinquième acte, — qui n’est pas je l’avoue, le meilleur de la pièce, — on a parlé de « mélodrame ; » et « mélodrame, » on le sait, est de nos jours le « tarte à la crème » de la critique dramatique. « Mélodrame ! » cela se sent et ne s’explique point ! Que voulez-vous qu’on dise à « mélodrame ? » « Mélodrame » n’a point d’excuse ! Et si vous demandez, avec un peu de curiosité, ce que c’est donc que « mélodrame, » on vous regarde, par-dessus l’épaule, d’un air à vous ôter l’envie d’en demander davantage. C’est cependant cette envie que je voudrais aujourd’hui satisfaire ; j’aimerais une fois savoir ce que c’est qu’un « mélodrame ; » et, n’imaginant pas de meilleure occasion de m’en enquérir que celle du Dédale, je la saisis.


Il semble, en vérité, que, pour le public de nos jours, et même pour la critique, toute action dramatique dont le dénouement est sanglant, — assassinat, meurtre ou suicide, — soit, de ce fait même, et de ce fait seul, digne du nom de « mélodrame. » On ne prend pas garde qu’à ce compte, les drames de Shakspeare, Otello, Roméo, Macbeth, et les plus tragiques d’entre les