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valu 9 centimes le mètre au XIVe siècle, 1 centime et demi au XVIe, 64 centimes au XVIIe, enfin 6 fr. 40 le mètre en 1775, lorsque l’hospice aliéna ce fonds à un entrepreneur des Bâtimens du Roi, Charles Sandrié. Les maisons élevées par ce dernier, en bordure du passage auquel il donna son nom et qui fut exproprié par M. Haussmann, avaient une valeur bien différente ; et bien différente encore est celle du Grand-Hôtel, dont le loyer annuel est supérieur à 1 400 000 francs.

Quoiqu’il ait été fort dépassé depuis par des hôtelleries plus modernes, dont la vogue a fait pâlir son lustre primitif, le Grand-Hôtel demeure, avec ses 750 chambres, le plus vaste de l’Europe. Seules quelques ruches humaines de 15 étages, aux Etats-Unis, offrent des types plus hauts, sinon plus larges. A Paris, l’hôtel Continental qui, sous le rapport des dimensions, occupe le second rang, contient 485 chambres, le Terminus en possède à peu près le même chiffre, et le Palais d’Orsay 400.

Veut-on savoir le prix de revient de chaque chambre, en moyenne ? ce qu’elle coûte à l’hôtelier en divisant entre toutes le loyer total payé aux propriétaires des immeubles par les exploitans ? La société fermière du Grand-Hôtel a, de ce chef, une dette quotidienne de 4 fr. 85 par chambre, celle du Continental porte une charge de 5 fr. 35, celle du Palais d’Orsay de 1 fr. 45 seulement. C’est que le loyer du Continental est de 950 000 francs et que celui du Palais d’Orsay n’est que de 260 000, dont 50 000 pour le buffet de la gare. Et la différence de location ne tient pas tant à la surface, respectivement occupée par les deux hôtels, qu’à la qualité de leurs propriétaires. Le Continental eut pour fondateurs, en 1876, trois aubergistes audacieux comme trois mousquetaires et, comme des héros de romans, peu munis de capitaux. Avec 360 000 francs qu’ils possédaient ensemble, ils se mirent bravement en route, acquirent 5500 mètres de terrain « à proximité des ruines du palais de nos rois, » disait un prospectus littéraire, et construisirent un logis superbe qui, tout aménagé, revenait à 22 millions. La société financière qu’ils avaient constituée se trouva trop faible, même avec l’assistance du Crédit Foncier, pour assumer une telle charge ; elle passa la main à de nouveaux actionnaires et fit avec eux un bail de 60 années.

L’hôtel d’Orsay, au contraire, bâti par le chemin de fer d’Orléans, ne représenta qu’une dépense modeste, parce qu’il