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à la cité. Qu’on se figure les tours Notre-Dame, plus larges et aussi hautes, peuplées de la cave au grenier par des notaires et des avoués, pleines de bureaux et de comptoirs ; — ce ne serait pas néanmoins une vilaine chose.

Le Waldorf-Astoria s’inspire pieusement, à l’extérieur, du style de la Renaissance germanique, et l’intérieur offre un assemblage éclectique de toutes les copies imaginables. Mais ce qui nous intéresse en lui, ce n’est pas l’effort artistique ; ce ne sont pas les peintures ou les bronzes du meilleur faiseur, les marbres venus de Sienne, de Pavonazzo ou de la Russie du Nord, les pilastres et les colonnes, et les mobiliers, plus beaux que nature ; ce ne sont ni la salle de bal à l’instar de Versailles, ni la galerie, « genre hôtel Soubise, » ni le « salon Pompéien, » ni la « cour des Palmiers » ou la « chambre des Myrtes. » Tout cela est venu d’ailleurs ; leçon apprise, prétention touchante, importation digne d’encouragement, dont le bon goût n’est pas toujours garanti sur facture.

Ce qui mérite l’attention, ce ne sont pas non plus les gros chiffres ; les kilomètres de corridors, les 300 têtes de bétail par semaine, ou les 5 000 carafes frappées par jour ; les 260 000 francs d’eau payée chaque année ou les 1 500 000 francs de cigares et de tabac, conservés dans un dépôt spécial. Il va de soi que tout sera proportionné à la taille d’un consommateur qui mange et boit par 4 000 bouches, — y compris le personnel de service ; — d’un consommateur qui vaut à lui seul un chef-lieu d’arrondissement ; un chef-lieu où la moitié de la population serait millionnaire ; car les chambres, au Waldorf, coûtent 20 francs, le blanchissage d’une chemise vaut 1 fr. 25, les repas à la carte, — il n’en existe pas à prix fixe, — reviennent à une douzaine de francs par tête, sans le vin, et l’on n’y vit guère à moins de 50 francs par jour.

La chambre du Waldorf est du reste, si on la compare à celle du vieux continent, beaucoup meilleur marché, parce que l’habitant y est bien mieux traité pour le même prix. Elle est plus grande — 7 mètres sur 5 — éclairée par dix lampes électriques — au plafond, sur la table de nuit, près de la commode à psyché, dans le vestiaire et dans la salle de bain. Le lit, très large, est suffisant pour deux personnes ; les draps sont du linge le plus fin, comme les douze serviettes pendues aux murs de faïence du dressing-room, remplacées aussitôt qu’elles ont été froissées par