Page:Revue des Deux Mondes - 1904 - tome 19.djvu/361

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui rendit à la civilisation l’inoubliable service de lui conserver les vestiges et le culte, qu’elle devait ranimer d’une vie nouvelle, des arts, des lettres, de toutes les belles et nobles choses qui ornent et qui réjouissent la pensée humaine ? Même pendant les plus sombres siècles du moyen âge, elles ne furent pas bannies de la terre sacrée. A elle seule, la page où Dante, s’adressant à Virgile, le salue, avec une confiance attendrie, comme un guide et un maître, montrerait le prestige inhérent au souvenir de la prépondérance romaine resté vivant, à toutes les époques, au delà des Alpes. Pénétrer « dans ce lieu ouvert, lumineux et élevé, d’où l’on peut voir ces personnages aux yeux lents et graves, de grande autorité dans leur aspect, qui parlent rarement et d’une voix suave, » se trouver en face de ces rares esprits que rappelait le divin poète, des princes de la poésie, de l’éloquence, de la science, de l’art, ce ne fut pas seulement le rêve de Dante ; ce fut celui d’une foule de ses compatriotes, pour lesquels ces hauts et puissans génies d’autrefois demeuraient, en quelque sorte, des Di patrii indigetes, qu’ils continuaient, malgré les siècles écoulés, à aimer, presque comme des contemporains, de toute la ferveur de l’amour du sol natal.

L’influence de l’Italie en France, si forte sous les Valois, depuis l’expédition de Charles VIII, ne le fut guère moins dans la première moitié du XVIIe siècle, avec Marie de Médicis, Concini, Mazarin. Aujourd’hui même, les noms des résidences affectées à deux de nos plus puissantes et plus durables institutions artistiques se rattachent à l’Italie : à Paris, c’est le Palais Mazarin ; à Rome, la Villa Médicis.

Au grand ministre, auquel les Parisiens, au temps de la Fronde, firent un si bruyant grief de son origine étrangère, mais qui, par les traités de Westphalie, prouva combien il avait « le cœur plus français que le langage, » on ne saurait contester, non plus que les fines et souples qualités dont il fit bénéficier la politique de son pays d’adoption, ce goût des arts et des lettres qu’il semble avoir légué, en même temps que ses collections de livres et d’objets précieux, au gouvernement de Louis XIV.

Colbert, après Fouquet, prit quelque chose de cet esprit de Mazarin, ne fût-ce que la pensée, dont il ne cessa de s’inspirer et qu’il exprime souvent, de faire largement contribuer les beaux-arts à la gloire du Roi. Aussi, lorsque à toutes ses autres charges Colbert eut joint la surintendance des bâtimens il la dirigea avec