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de la Savonnerie, de grands portraits du Roy et de la Reine[1].

De leur côté, Wleughels et ses élèves travaillent sans relâche à la décoration de leur résidence qui, de tous points, justifie les éloges des nombreux visiteurs qu’elle reçoit, notamment à l’époque du Carnaval, où tout ce qu’il y a de marquant à Rome vient, des fenêtres du palais Mancini, assister aux réjouissances du Corso. D’Antin s’en félicite : « Je suis fort aise que votre maison, écrit-il le 21 juin 1727, ait acquis assez de réputation pour piquer de curiosité les dames et les Anglais, qui ne sont ordinairement pas de grands admirateurs des choses qui leur sont étrangères. » Il n’oublie pas, au surplus, le côté pratique que peut avoir ce succès : « Si, dit-il, dans les admirations qu’on fait de nos ouvrages, il y a quelque grand seigneur qui désire quelque chose de nos manufactures des Gobelins ou de la Savonnerie, soit canapés, chaises, portières ou tapis, offrés-leur de ma part. Je les feray bien servir et vous envoyerais les desseins auparavant pour qu’ils choisissent à leur fantaisie. »

Quel que soit le penchant de d’Antin pour la magnificence, il aime l’ordre ; il ne veut pas qu’on prête à personne, même à l’ambassadeur, les tapisseries de l’Académie, dans la crainte qu’on ne les détériore ; ses lettres à Wleughels abondent de recommandations telles que celle-ci, qui serait encore d’actualité dans bon no)nbre de nos administrations publiques : « Voyez à vous contenir dans vos fonds. Après la fidélité, l’économie est la chose la plus désirable dans ceux qui sont chargés de la dépense. »

La vogue obtenue par l’installation de l’Académie devient si grande, les visites y sont si fréquentes, que d’Antin, tout en se réjouissant d’apprendre que les cardinaux et les grands seigneurs demandent des travaux à ses élèves et que l’un d’eux, Bouchardon a reçu la commande du tombeau de Clément XI, — les Italiens, jaloux, l’empêchèrent de l’exécuter, — mande à Wleughels qu’il ne voudrait pas « que l’Académie dégénérât en hôtel garni, »

Jusqu’à la fin, d’Antin tint fermement la main à l’observation des règles qu’il avait établies. Dans sa dernière lettre, datée du 21 octobre 1736, — il devait succomber à un érysipèle le 3 novembre

  1. Plusieurs des tapisseries envoyées à l’Académie par d’Antin décorent aujourd’hui encore les appartemens et la bibliothèque de la Villa Médicis, si bien restaurée par M. Eugène Guillaume.